La sécurité du territoire a toujours été une préoccupation, de l’Ancien Régime à la République. Avec une séparation progressive entre le rôle de l’armée, plutôt tournée vers les ennemis extérieurs et généralement réticente à assumer des missions de police, et celui des forces de Police ou de Garde nationale jusqu’à la chute du Second Empire où la Gendarmerie verra sa place s’accroître.
Le maintien de l’ordre en France depuis le XVIIIe siècle
The Maintenance of Order in France since the 18th Century
The security of national territory has always been a concern, from the former regime to the Republic. Discussing a progressive separation between the role of the Armed Forces—turned more significantly toward exterior enemies and generally reluctant to undertake police missions—and those of the Police Force or the National Guard, until the fall of the Second Empire in which the Police Force saw its role increase.
La question en apparence purement technique du « maintien de l’ordre » est en réalité l’une des plus politiques. L’histoire de sa mise en œuvre depuis l’Ancien Régime est là pour nous le montrer.
Au XVIIIe siècle, la « police », au sens où nous l’entendons aujourd’hui, commence à prendre forme. Et, si l’armée peut théoriquement intervenir où et quand le roi le décidera – elle est, après tout, son armée – la réalité est moins simple, et la légitimité de l’emploi de la force militaire contre des Français commence à devenir un problème en soi. Des limites à cet emploi apparaissent. Elle peut ainsi prêter main-forte à la police (ou ce qui en tient lieu) pour des tâches de sécurité publique, parfois pour des patrouilles nocturnes et des fonctions relevant habituellement du guet urbain, mais toujours à la requête des autorités de la police. Précisons là que seuls des caporaux et des sergents en commandent alors les détachements, car des officiers de l’armée auraient refusé d’être aux ordres d’officiers de police. L’armée est en outre la seule habilitée à procéder à l’arrestation de personnes « de qualité », a fortiori si elles sont de haut rang, car celles-ci ne peuvent l’être par des policiers. Mais cette tâche est de moins en moins bien perçue par les populations. Enfin, elle intervient pour rétablir l’ordre quand la maréchaussée, le guet ou les milices bourgeoises n’y suffisent pas. Il n’en reste pas moins que le dispositif militaire global reste très largement orienté vers et sur les frontières.
Dans ce dernier cas de figure, on constate que la répression est généralement énergique quand il s’agit de réprimer le peuple, a fortiori dans les campagnes ou les petites villes. Elle n’aura alors guère de comptes à rendre… C’est bien plus compliqué dans les grandes villes comme Paris ou celles qui possèdent un Parlement provincial. L’historien Jean Chagniot l’explique dans l’Histoire militaire de la France : « L’armée ne pouvait intervenir à Paris et dans les villes où siégeait un Parlement qu’en observant toutes sortes de précautions, surtout si les troubles avaient un caractère politique. Le Parlement de Paris revendiquait hautement son droit de grande police, qui l’autorisait à citer les chefs de détachements si la répression dépassait les bornes. (…) Bien avant 1789, la réquisition des troupes était loin d’avoir un caractère automatique quand le rétablissement de l’ordre public devenait une affaire d’État. Si la France a employé tant de soldats étrangers qui lui coûtaient plus cher que les autres, c’était peut-être en partie, comme l’a dit Necker en 1784, parce que le roi pouvait avoir besoin d’eux ‘‘dans les temps de trouble ou d’effervescence" ».
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