La démarche en recherche stratégique impose des règles rigoureuses s’appuyant sur des experts, les stratégistes capables de conduire des travaux complexes. La théorie stratégique nécessite aussi une claire vision de sa finalité.
De la recherche stratégique : pour éviter quelques incompréhensions
Concerning Strategic Research: Avoiding Some Misunderstandings
The process of strategic research imposes strict rules supported by experts—strategists capable of managing complex work. Strategic theory also necessitates a clear vision of its end purpose.
La distinction entre stratège et stratégiste est largement admise. Le stratège est celui chargé de la définition et de l’exécution d’une stratégie, ici comprise dans un sens restreint comme l’utilisation de la force pour atteindre un objectif politique : selon la situation et le domaine de la stratégie dans lequel il exerce (stratégie déclaratoire, stratégie militaire, etc.), il peut s’agir d’une personnalité civile ou militaire. La caractéristique du stratège est qu’il est dans l’action : il doit prendre des décisions souvent difficiles avec des informations et des ressources limitées. Le stratégiste est au contraire celui qui étudie la stratégie, et peut éventuellement en proposer une théorie. La démarche est donc analytique, et (on l’espère) scientifique.
C’est sur ce dernier point que cet article entend revenir. Il est admis que la théorie stratégique et les études afférentes, en tant que savoir du stratégiste, sont là pour éduquer le jugement du stratège sans se substituer à sa décision. Néanmoins, la théorie stratégique recouvre plusieurs dimensions différentes, qui sont trop souvent confondues. Ces trois dimensions de la théorie stratégique sont les suivantes : une dimension phénoménologique (étudiant les formes de la guerre), une dimension analytique (étudiant la conduite effective de la stratégie et ses résultats) et une dimension normative (décrivant ce qui devrait être). Cette confusion entre les multiples dimensions de la théorie stratégique est problématique, pour deux raisons. En premier lieu, elle peut rapidement tourner en une querelle d’expertise entre chercheurs (s’appuyant sur les méthodes scientifiques) et militaires (s’appuyant sur leur expérience). Séparer les dimensions de la théorie stratégique permet de montrer que les deux approches sont importantes et complémentaires, car elles se déploient en fait dans des domaines différents.
En second lieu, la confusion est néfaste à la qualité de l’analyse : il est malheureusement fréquent de lire des études confondant par exemple dimension phénoménologique et dimension normative. Il est clair que ces trois dimensions sont importantes et complémentaires : une véritable recherche stratégique devrait les comprendre toutes les trois dans son analyse. Mais ce sont trois étapes intellectuelles différentes (observation, compréhension, recommandation), dont il est sain de rendre la séparation explicite et qu’il faut évaluer selon leurs propres mérites.
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