Désinformer l’adversaire est un mode d’action aussi ancien que la guerre elle-même et constitue encore aujourd’hui une priorité, d’autant plus que les réseaux sociaux contribuent désormais à multiplier les relais d’information et de désinformation.
La désinformation opérationnelle
Operational Disinformation
Misinforming adversaries is a mode of action as old as war itself, and is prioritized even today, especially as the social network currently contributes to propagating the relay of information and disinformation.
Depuis la nuit des temps, l’Histoire nous enseigne que la force ne suffit pas pour gagner des batailles. Le stratagème reste souvent un moyen déterminant qui permet de tromper un adversaire, de le surprendre et de le vaincre. Dans cette thématique des ruses de guerre, la désinformation occupe une place capitale. Cette action fallacieuse consiste à répandre des informations frelatées dans le but de manipuler l’imaginaire collectif d’une population ou les décideurs d’un champ d’activité politique, économique ou militaire. Dans ce dernier cas, elle porte le nom de désinformation opérationnelle et vise à induire un ennemi en erreur pour lui faire adopter une attitude inadéquate qui facilitera la manœuvre amie. L’état-major qui pratique cet art de la duperie doit faire croire à une situation qui n’existe pas pour amener une force adverse à agir selon les intérêts et les souhaits voulus par les « désinformateurs ». Dans ce jeu subtil de l’illusion, les procédés mis en œuvre reposent essentiellement sur trois techniques : la simulation, l’imitation et l’intoxication.
La simulation
La simulation est l’accomplissement d’activités destinées à masquer les préparatifs d’une opération et à leurrer l’adversaire sur le lieu exact d’une attaque.
Ces activités portent le nom de mesures de déception. L’intensification des tirs d’artillerie dans une zone différente de l’axe de l’offensive principale et la mise en place de bâtiments de guerre au large d’une côte pour faire croire à un débarquement dans le secteur sont des modes opératoires efficaces pour mener une entreprise de désinformation opérationnelle. Durant la guerre du Golfe, les forces coalisées ont ainsi berné Saddam Hussein en le persuadant d’un débarquement allié sur les plages du Koweït. Pour ce faire, les États-Unis ont engagé des unités de Marines (17 000 hommes en août 1990) face au littoral koweïtien pour fixer plusieurs dizaines de milliers de combattants irakiens le long du rivage. Pour amplifier cette séquence de bluff, les Américains ont effectué deux exercices de débarquement en Arabie saoudite, Imminent Thunder puis Sea Soldier III, dans la seconde quinzaine de novembre 1990, soit trois mois avant l’offensive terrestre alliée (24 février 1991). Ces deux démonstrations de force, présentées comme des manœuvres d’entraînement, ont bénéficié d’une large couverture médiatique qui a renforcé la pression sur l’état-major irakien, convaincu alors que la pénétration des troupes alliées en Irak se ferait à partir de la mer et non par voie terrestre. Cet ensemble de faux-semblants orchestré par la coalition a permis de soulager le front de la poussée principale alliée et a facilité la manœuvre d’enveloppement de l’armée de Saddam Hussein dans le sud de l’Irak à partir de l’Arabie saoudite.
Pendant la guerre des Malouines, les Britanniques ont utilisé un stratagème similaire pour débarquer sur l’île principale où se trouve la capitale Port Stanley sur la côte orientale et occupée par les Argentins. La flotte de guerre commandée par l’amiral Sandy Woodward a été scindée en deux formations : l’une pour les besoins de la presse et l’opinion mondiale, l’autre pour l’ombre et l’efficacité opérationnelle (cf. E. Hecht). La première s’est fixée, face à Port Stanley, avec plusieurs bâtiments, dont le navire-amiral Hermes, où se trouvait le PC de l’opération. À partir des ponts d’envol de cette armada, des Harrier (1), appuyés par l’artillerie de marine, ont mené des raids sur les positions argentines pour persuader l’état-major adverse que les troupes de Sa Gracieuse Majesté préparaient un débarquement sur la côte est de l’île. Dans le même temps, la seconde formation a contourné cette partie de l’archipel et s’est engouffrée dans l’estuaire de la rivière San Carlos située à l’ouest de l’île. C’est dans ce site inhospitalier peu défendu par les Argentins qui avaient concentré le gros de leurs forces quatre-vingts kilomètres plus loin sur le littoral oriental, que se produira, à la surprise générale, le débarquement des unités britanniques (21 mai 1982). À partir de la tête de pont de San Carlos, les forces britanniques pourront entamer leur offensive victorieuse et prendre à revers Port Stanley où la garnison argentine signera l’acte de capitulation (13 juin 1982).
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