Six années qui ont changé le monde (1985-1991). La chute de l’Empire soviétique
Six années qui ont changé le monde (1985-1991). La chute de l’Empire soviétique
Il y a à peine une trentaine d’années, l’URSS était la deuxième puissance mondiale et sa rivalité avec les États-Unis organisait un monde bipolaire autour de deux systèmes politiques, militaires, culturels et économiques antagonistes. La « guerre froide » structurait les relations internationales laissant peu d’alternatives au « Tiers Monde », entre alliance et non-alignement. Le monde soviétique, autour de l’idéologie communiste, se voulait global et porteur d’un projet dont les dimensions totalitaires étaient devenues évidentes et insupportables.
En 1980, nul cependant ne pouvait imaginer que l’URSS était un géant aux pieds d’argile au bord de l’effondrement, hormis le Pape Jean-Paul II dont son élection en 1978, à la surprise générale, marqua une étape décisive dans la décomposition du modèle communiste. En Europe occidentale, les Partis communistes français, italien ou encore espagnol jouaient un rôle majeur au point de permettre à certains de leurs leaders de considérer que le bilan de l’URSS était « globalement positif ».
Or, l’URSS s’est effondrée en quelques années, en raison de son incapacité à savoir se réformer et se moderniser, en particulier dans son fonctionnement intérieur.
Les conséquences de la disparition du bloc soviétique se faisant encore sentir trois décennies plus tard, un retour sur cette histoire contemporaine s’imposait, alors même que les acteurs de cette période quittent peu à peu la scène politique.
Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française, nous offre ici un ouvrage essentiel et passionnant retraçant ces années de révolution-mutation, où malgré tout, il n’y a pas eu de dérapages violents, malgré des tentatives de coups d’État au final avortés et des périodes d’extrême tension entre les protagonistes.
Le paradoxe et l’intérêt de cet ouvrage dépendent également de l’âge de ses lecteurs. Pour les plus de quarante ans, ces faits inscrits dans le contexte de la guerre froide résonnent encore et les noms de leurs protagonistes, Gorbatchev, Eltsine restent ancrés dans les mémoires avec la nouveauté que constituait l’arrivée d’un jeune premier secrétaire du Parti communiste, Gorbatchev, succédant aux vieillards de l’ère brejnevienne. Pour les dirigeants de l’époque, dont François Mitterrand, l’idée même que l’URSS puisse disparaître était d’ailleurs inenvisageable, d’où le soutien quasi inconditionnel à Gorbatchev, y compris quand l’opinion publique russe le jugeait très négativement. Le paradoxe est que, aujourd’hui encore, Gorbatchev est plus apprécié à l’étranger que dans son propre pays. Pour les moins de quarante ans, la fin de l’URSS et la chute du mur de Berlin appartiennent à une histoire qui n’est même plus immédiate, avec, en fait, une ignorance de ce bouleversement, ce qui d’ailleurs aboutit à une lecture souvent erronée de la politique russe actuelle et des crispations autour des choix de Poutine.
Il est donc indispensable de rappeler que la chute de l’Empire soviétique a été un bouleversement historique majeur, marquant la fin du totalitarisme en Europe initié avec la révolution bolchevique, d’un côté, et avec le fascisme italien et le nazisme de l’autre. C’est aussi la recomposition de l’espace géographique avec une remise en cause de certains États, notamment avec la désintégration de la Yougoslavie à partir de 1990-1992, ou la scission de la Tchécoslovaquie en deux États. À l’inverse, la réunification allemande a été à la fois une conséquence et un catalyseur de cet effondrement. Sans parler de l’implosion de l’URSS et l’accession à l’indépendance de nombreuses républiques, dont certaines considéraient avoir subi le joug soviétique comme les États baltes. Là encore, la déstructuration de l’URSS a laissé des traces majeures et continue à alimenter des conflits régionaux comme entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et bien entendu la question ukrainienne.
De ce fait, il est indispensable de poursuivre ce travail d’analyse du monde russe pour mieux comprendre les enjeux actuels, entre la nostalgie nationaliste russe et les aspirations européennes et/ou asiatiques des anciennes républiques. Ce livre y contribue pleinement. ♦