Verdun fut un symbole majeur, avant même que la bataille elle-même soit achevée. Symbole de l’héroïsme français, Verdun a traversé le siècle avec une dimension politique sans précédent, entre Pétain, le défenseur de Verdun et la réconciliation franco-allemande, marquée par la poignée de main Kohl-Mitterrand en 1984.
La construction du symbole de Verdun
The construction of the symbol of Verdun
Verdun was a major symbol even before the battle was finished. Symbol of French heroism, Verdun has gone through the century with a unprecedented political dimension from Pétain, the defender of Verdun, to the French-German reconciliation marked by the handshake of Kohl and Mitterrand in 1984.
Chaque grande guerre a sa bataille-symbole : Sedan pour 1870-1871, Stalingrad pour la Seconde Guerre mondiale, mais avant tout Verdun en 1916, pour la Grande Guerre. Le symbole s’est construit tout de suite, il continue à le faire de nos jours, il est passé de l’évocation de la résistance et de la victoire françaises en 14-18 à celle de l’absurdité de la guerre, avant de finir en haut-lieu de la paix et de la réconciliation franco-allemande. À propos de Verdun, on a mis d’abord en scène les chefs (Pétain en particulier), les héros, les combattants victorieux. Aujourd’hui, la mémoire du champ de bataille évoque avant tout les souffrances de tous les soldats, français et allemands.
La bataille a comporté des caractéristiques qui en ont facilité le symbolisme. Elle a été longue, mais sur un espace restreint, lié à une ville connue, et avec des enjeux locaux simples (ou du moins que l’on pouvait simplifier pour l’opinion) : tenir, reconquérir le terrain perdu, ou abandonner la rive droite de la Meuse. Avec des allers-retours, des péripéties dramatiques. Le tout sur un site impressionnant, qui a sans doute beaucoup fait pour la perception du souvenir de la bataille par la suite : sur la Somme, il faut faire aujourd’hui un effort d’imagination pour se remémorer les combats ; à Verdun, il suffit de contempler le paysage. Sur un site ramassé et impressionnant, la bataille a respecté les règles d’unité de temps, de lieu et d’action qui caractérisent la tragédie classique.
Le symbole de Verdun dès l’époque l’a emporté sur celui de la Marne
Si la guerre avait été courte, la victoire de la Marne l’eût sans doute résumée dans l’imaginaire français. Mais elle a manqué de certaines des caractéristiques qui ont contribué à fonder la geste de Verdun. La bataille de Verdun fut « une victoire du commandement », une manœuvre exclusivement militaire, les responsables civils ne savaient même pas au juste où se trouvaient les armées. Ce fut, d’autre part, une bataille courte, ne laissant pas le temps à l’épopée de naître. En outre, elle ne fut guère montée en épingle par un gouvernement réfugié à Bordeaux, de l’avis général défaillant, qui ne tenait pas à insister dans sa propagande sur ces premières semaines difficiles mais qui conservait néanmoins suffisamment de réflexes et d’antennes pour s’inquiéter d’une interprétation qui grossissait dans l’opinion, et qui était fort peu compatible avec l’esprit « républicain » : celle d’un « miracle de la Marne », d’origine divine, interprétation apologétique diffusée en particulier par le très actif évêque de Meaux (1).
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