La bataille de Verdun n’avait été ni anticipée ni réfléchie du côté français, contrairement au commandement allemand qui avait soigneusement préparé son offensive. Au-delà de la surprise tactique et de l’improvisation initiale, le commandement français sut réagir avec efficacité.
Verdun février 1916, une bataille improbable
Verdun February 1916, an improbable battle
The battle of Verdun was neither anticipated nor considered by the French side, contrary to the German command that was carefully prepared for its attack. Beyond the tactic surprise and the initial improvisation, the French command knew how to react with efficiency.
Dans le cours de la Première Guerre mondiale, Verdun n’a ressemblé à aucune des grandes confrontations franco-allemandes. La culture militaire tant française qu’allemande n’incitait absolument pas à s’engager dans ce type de batailles sans perspectives stratégiques.
Les projets français pour 1916
L’idée n’en est certes pas venue du camp français. Le Haut commandement français, féru d’études napoléoniennes, après, en début de guerre, s’être laissé emporter par le fantasme de l’offensive à outrance, avait été contraint ensuite à se plier à une manœuvre en retraite, en défensive dynamique, pour gagner la bataille de la Marne. En 1915, tout l’effort du GQG avait été tendu vers l’idée de la percée suivie d’exploitation décisive. Au printemps 1915, la tentative avait eu lieu en Artois, puis à une échelle plus importante, à l’automne, en simultané, en Champagne et en Artois. Devant cet échec, avec toujours l’idée de percer sur des terrains favorables, on en était arrivé en décembre 1915 à persister dans ce modèle tactico-stratégique et à vouloir l’étendre à toutes les armées alliées. Aussi avait-il été admis que, pour donner plus de forces à ce modèle, l’assaut serait mené simultanément sur leurs théâtres d’opérations respectifs par Russes, Italiens, Britanniques et Français. On pensait ainsi déstabiliser la défense allemande dans cette attaque sur plusieurs fronts. Pour le Franco-Britannique, le théâtre d’engagement avait été choisi : la Somme. Dès lors tous les efforts du GQG, à partir de janvier 1916, s’étaient orientés vers la préparation de cette bataille, sur large front, avec définition d’objectifs lointains en lançant, percée faite, la cavalerie en direction du Nord-Est. On s’était, par ailleurs, peu soucié finalement de ce que pourrait être une initiative des Allemands en 1916 : procédés et lieu d’application. La seule parade prévue était de se conserver en arrière du front un certain nombre de divisions en réserve, au cas où. Certes, en 1915, l’armée allemande n’avait fait que se défendre, très efficacement d’ailleurs, mais n’avait rien entrepris d’aussi important que les offensives françaises. Le camp allié, pour faire oublier ses échecs de percée, avait répandu le bruit que ces attaques, infructueuses, avaient eu en fait pour but de retenir en France des forces qui, sans cela, auraient été déployées sur le front russe. Mais, pour 1916, on en restait aux procédés de 1915, étendus en moyens et espace.
La démarche allemande
Du côté allemand, la stratégie menée en 1915 s’était révélée bonne, conservant, au moindre prix les acquis, mais elle n’avait pas apporté la victoire et il fallait donc en changer, si on voulait conclure. En 1915, le choix avait été de mener une stricte politique défensive à l’Ouest afin de tenter, pendant ce temps, d’annihiler le géant russe. Le succès tactique avait couronné les efforts à l’Est, mais les Russes, fortement bousculés, avaient profité de la profondeur de l’espace dont ils disposaient, pour se retirer vers leurs frontières nationales sans être défaits. Succès allemand donc, complété par un second dans les Balkans, où, en contribuant à l’écrasement de l’armée serbe, elle avait conforté son allié autrichien et assuré ses liaisons avec la Turquie, victorieuse elle-même de la lutte dans les Dardanelles. Réussites donc, mais sans résultat décisif. Devant ces demi-résultats, décision avait été prise de rechercher la solution en 1916 sur le front Ouest contre les Franco-Britanniques et à s’attaquer prioritairement à l’armée française. La lutte contre les Britanniques devait s’orienter vers la création d’un contre blocus sur mer à partir de la flotte de haute mer et surtout des sous-marins. Restait le choix du lieu d’application de l’anéantissement des forces françaises. À tort ou à raison, le commandement allemand estima ne pas disposer du volume de forces suffisant pour, après une ouverture de brèche, entretenir une bataille d’exploitation, en rase campagne, sur large front. Sa force, et ce depuis le début du conflit, résidait dans son avance qualitative et quantitative dans le domaine de l’artillerie : supériorité en tubes, en calibres, en rapidité de tir, en portée. Beaucoup a été écrit sur le choix de Verdun. Certains s’appuient sur ce que Falkenhayn a écrit pour justifier son choix : obliger l’armée française à venir se faire massacrer sous les canons allemands dans une aire délimitée, et pour ce faire, l’appâter en menaçant la ville-forteresse de Verdun. La prise de décision a dû être plus complexe.
Il reste 78 % de l'article à lire
Plan de l'article