La SDSR 2015 présentée par le gouvernement Cameron fixe les ambitions stratégiques de Londres pour la décennie à venir avec la réaffirmation de la dissuasion nucléaire, la reprise d’un réel effort budgétaire, le maintien du lien privilégié avec Washington, mais aussi sur l’importance de la relation avec Paris.
Le Royaume-Uni et sa défense : la SDSR 2015
The United Kingdom and its defense: the SDSR 2015
The SDSR 2015 presented by the Cameron government fixes the strategic ambitions of London for decades to come, with the reaffirmation of nuclear dissuasion, the return to a real budgetary effort, the maintenance of privileged links with Washington as well as the importance of relation with Paris.
Le Royaume-Uni, comme nombre d’États, est confronté à l’incertitude la plus totale quant à la nature et l’évolution des dangers que recèle la scène internationale. Ces incertitudes trouvent leur équivalent sur la scène intérieure. Les risques et les menaces, qu’ils soient d’origine naturelle (comme les inondations catastrophiques survenues au Nord du Royaume au début 2016), liés à des cyberattaques à l’origine difficile à identifier, ou aux attentats terroristes, demeurent largement imprévisibles quant à leur ampleur et leur survenance. Ils se manifesteront sans que l’on puisse savoir à l’avance où, quand et comment. C’est dans ce contexte extrêmement flottant qu’a été rédigée la SDSR 2015 (National Security Strategy and Strategic Defence and Security Review—A Secure and Prosperous United Kingdom) publiée en novembre 2015 (1). Les conditions dans lesquelles s’inscrit la SDSR sont aussi, peu ou prou, celles que connaît la France : tassement de l’effort budgétaire de défense (34,4 Mds de £ en 2015) et interrogations sur le rôle et la fonction des forces armées dans les relations internationales. À cela s’ajoute, dans le cas britannique, un double legs. Celui, pour le moins mitigé, des guerres expéditionnaires entreprises derrière les Américains en Afghanistan (2) et en Irak (3) et qui ont eu pour conséquence le rejet par de nombreux Britanniques d’accepter, à l’avenir, tout engagement militaire à l’extérieur qui serait aussi mal défini dans ses objectifs et son intérêt pour le Royaume-Uni que le furent ces deux conflits. D’ailleurs, les débats aux Communes sur le refus d’engager des moyens aériens contre les forces de Bachar al-Assad en ont porté témoignage même si, quelques mois plus tard, les parlementaires ont autorisé le bombardement de Daech en Irak par la RAF (4). Les deux aventures militaires des années 2000 ont, de surcroît, littéralement épuisé les armées britanniques. La SDSR 2015 arrive ainsi dans un contexte difficile pour les forces armées d’autant plus que la précédente révision stratégique, entreprise à l’initiative du gouvernement Cameron (SDSR 2010), avait réduit les dépenses de défense de 8 % en termes réels.
La SDSR 2015, présentée par le Premier ministre, est avant tout un document programmatique qui définit et fixe la place et le rôle du Royaume-Uni dans la société internationale. Si, comme dans les Livres blancs français de 2010 et 2013, il traite de l’avenir de la défense britannique, il ne leur correspond pas exactement. La revue stratégique porte autant sur les conditions stricto sensu de la sécurité du Royaume-Uni que sur les conditions de sa prospérité et de son rayonnement international. Le premier chapitre rappelle la vision de la société internationale des autorités britanniques et les valeurs qui sous-tendent leur action extérieure et qu’elles entendent, par ailleurs, promouvoir. Ce rappel précède l’énoncé des priorités en matière de sécurité à savoir : protection des citoyens et du territoire britannique, défense et maintien de l’influence globale du Royaume-Uni, pérennité et développement de la prospérité du royaume. Les chapitres suivants détaillent les voies et moyens pour parvenir aux buts précédemment définis. La défense n’y représente qu’un élément parmi d’autres (5). Avant d’aborder la dimension militaire de la SDSR, plusieurs remarques s’imposent.
La lecture du document fait apparaître, en filigrane, le débat sur la sortie éventuelle du Royaume-Uni de l’Union européenne (British exit – Brexit) alors même que les partis politiques britanniques restent divisés sur cette question (6). Le gouvernement conservateur est lui-même traversé par des dissensions à ce sujet à tel point que le Premier ministre s’est vu contraint d’accepter, en début d’année, que les membres du Cabinet Office puissent prendre des positions divergentes lors de la campagne référendaire sur la sortie ou non du Royaume-Uni de l’Union européenne (7). La pérennité du gouvernement était en jeu avec, dans le cas contraire, la démission de membres influents favorables au Brexit. En 2016, les présidences hollandaise et slovaque auront à gérer cette question et avec elle les rapports entre l’approfondissement politique de l’UE, la souveraineté des États et le rôle des institutions européennes. Il paraît douteux que David Cameron puisse infléchir suffisamment la position de ses partenaires sur ses demandes de réforme de l’Union à l’occasion du Sommet extraordinaire de l’UE, en février 2016. Il l’avait pourtant affirmé à l’issue du Sommet européen tenu en décembre 2015, où ses demandes, notamment sur les limites à imposer sur la libre circulation des travailleurs européens, et en particulier ceux venus d’Europe centrale et orientale, avaient fortement irrité nombre de ses partenaires, dont la présidente de la Lituanie, Mme Dalia Grybauskaité, accusant le Premier ministre de « chantage ». La Chancelière allemande, pour sa part, a déclaré que l’intérêt de l’Union était d’éviter le Brexit sans pour autant avoir à réécrire les principes fondamentaux régissant le fonctionnement de l’Union, ajoutant qu’un compromis comme celui proposé au Danemark en 1992 pourrait servir à régler le problème. C’est vraisemblablement sur cette voie que l’on s’achemine, voie qui, sans préjuger du résultat du référendum, permettra à David Cameron de sauver la face. Si l’importance de l’Union européenne est maintes fois soulignée, les rédacteurs de la SDSR 2015 prennent soin de réaffirmer que l’Angleterre est une puissance à l’influence mondiale avec de multiples affiliations (Commonwealth, Five Eyes Agreement (8), liens privilégiés avec les États-Unis, rapports étroits avec le Japon (9), etc.) et possède, en propre, de multiples moyens et canaux pour maintenir et accroître cette influence (poids de la City, rôle de la BBC ou encore du British Council) (10). De telles réaffirmations sont autant de gages donnés aussi bien aux partisans du maintien dans l’UE, qu’à ceux qui s’y opposent. De ce point de vue, le document est consensuel d’autant, après tout, que les ambitions et les arrangements dans les domaines de la défense et de la cybercriminalité ne seraient pas vraiment affectés, en tant que tels, par l’un ou l’autre choix sur l’UE.
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