La responsabilité de protéger
La responsabilité de protéger
La responsabilité de protéger (R2P), sur laquelle se sont accordés les États en 2005, a dix ans. Ce concept apparu en 2001, et reconnu quatre ans plus tard par l’Assemblée générale de l’ONU, est une norme émergente des relations internationales qui connaît à ce jour une actualité particulièrement riche. Souvent invoquée pour justifier des interventions militaires, comme notamment en Libye, elle ne se réduit pas à l’usage de la force et ne peut pas être confondue avec le droit d’ingérence.
En montrant comment cette doctrine a été conceptualisée, adoptée, structurée, mise en œuvre et critiquée, le présent ouvrage participe utilement à sa clarification. Objet juridique désormais identifié, il suscite une inflation éditoriale car des centaines d’ouvrages, des milliers d’articles scientifiques et une revue (Global Responsibility to Protect) lui sont entièrement consacrés. Néanmoins, il n’a jamais été possible d’en restituer le caractère à la fois novateur, et extrêmement traditionnel, qui constitue toute l’originalité et l’intelligence de cette doctrine. C’est ici la force de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, juriste, docteur en science politique et en philosophie, titulaire de la chaire d’études sur la guerre du Collège d’études mondiales, que d’inviter le lecteur dans une connaissance précise tant du concept que de sa mise en perspective.
Six parties composent habilement cet ouvrage savant, amenant le lecteur à cheminer, des sources, à la conception, la naissance, l’opérationnalisation, les approches régionales mais aussi les critiques de cette doctrine.
L’auteur restitue dans ce travail le sens de la responsabilité de protéger en soulignant que c’est une doctrine par laquelle les États s’engagent à protéger les populations des atrocités de masse (génocide, crimes contre l’humanité, nettoyage ethnique, crimes de guerre) et qui s’organise autour d’une double responsabilité : celle, principale, de l’État territorial et celle, subsidiaire, de la « communauté internationale ». Mais le mérite de ce travail réside dans le fait qu’il souligne aussi les avantages de l’ambiguïté normative de la R2P, en démontrant que dans un premier temps, c’est l’utilité de cette ambiguïté qui lui a permis de bâtir le consensus autour de cette doctrine, chacun la comprenant de son point de vue, puis dans un second temps, à partir de la crise de 2011, lorsque l’intervention en Libye a révélé ses limites, le processus s’est inversé et c’est par la précision que la norme a pu se développer.
Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, dont La guerre au nom de l’humanité - Tuer ou laisser mourir (prix 2013 Maréchal Foch, de l’Académie française), Jean-Baptiste Jeangène Vilmer s’attache à saisir la plasticité du concept de responsabilité de protéger en soulignant que l’intégration progressive de la R2P a transformé l’idée en double norme : la responsabilité principale des États de protéger leurs populations, qui est une obligation juridique, et la responsabilité subsidiaire de la communauté internationale de le faire en cas de défaillance, qui est un appel moral et politique.
Brillant, clair et particulièrement bien écrit, ce « Que Sais-je » s’annonce comme « la référence » en la matière. ♦