L’Union européenne devrait se doter d’une stratégie hybride lui permettant ainsi de mieux préserver son modèle politique, en évitant que d’autres puissances, notamment la Russie, n’utilisent les outils d’hybridité pour la déstabiliser et la fragiliser par des actions remettant en cause sa légitimité.
Plaidoyer pour une stratégie hybride de l’Union européenne
Petition for a Hybrid Strategy in the European Union
The European Union should adopt a hybrid strategy allowing it to better preserve its political model, preventing other powers, notably Russia, from using tools of hybridity to destabilize it and render it more fragile through actions calling its legitimacy into question.
Les actions de la Russie en Crimée et dans l’Est de l’Ukraine, en 2014, ont souvent été qualifiées par le terme de « guerre hybride » (cf. H. Reisinger et A. Golts). Le terme est insuffisant pour décrire les modes d’actions russes car il n’englobe que les aspects militaires. Une nouvelle définition est alors nécessaire afin de décrire les caractéristiques d’un changement de mode opératoire dans les conflits modernes.
Vers une définition de la stratégie hybride
Frank G. Hoffman, dans son concept de guerre hybride, définit l’ennemi comme « celui qui, simultanément et de manière modulable, emploie un mélange fusionné d’armes conventionnelles, de tactiques irrégulières, de terrorisme et de comportement criminel dans l’espace de bataille ». Hoffman se base sur le concept de « guerre composée » (cf. T.M. Huber) selon lequel l’insurrection et la guerre conventionnelle sont utilisées concomitamment et augmentent celui-ci des variables du terrorisme et de la criminalité. La guerre hybride abolit ainsi les frontières artificielles érigées entre les différentes catégories de guerre. Cette approche a influencé certains théoriciens militaires israéliens qui l’ont décrite comme une guerre sociale, qui, libérée de la contrainte sociale, gagne un avantage cognitif (cf. T.B. McCulloh). Bien que ses intentions soient louables, l’approche d’Hoffman érige de nouvelles catégories artificielles qui contraignent la pensée et la restreignent aux domaines purement militaires. À titre d’illustration, l’utilisation de manifestants pacifiques en combinaison avec des forces rebelles sous l’œil des médias crée un obstacle tactique majeur à celle de forces conventionnelles et dépasse le concept de « guerre hybride » d’Hoffman. L’intégration des instruments de pression civils aux moyens militaires est cruciale afin de permettre leur utilisation fluide à tous les niveaux : stratégique, opérationnel et tactique. Deux auteurs chinois, les colonels L. Qiao et X. Wang, ont théorisé le concept de « guerre illimitée » afin de surpasser les catégorisations en matière de pensée stratégique. Leur concept prône la créativité illimitée : tout ce qui peut nuire à l’adversaire peut être utilisé comme arme. Ainsi, la propagation d’informations biaisées afin de provoquer un krach boursier artificiel a un potentiel de nuisance élevé pour l’ennemi. Néanmoins, en qualifiant d’instrument tout ce qui pourrait diminuer l’ennemi, un dernier obstacle théorique demeure. L’objectif d’un conflit n’est pas de blesser, diminuer ou détruire l’adversaire ; l’objectif est d’influencer le comportement de l’ennemi afin qu’il se conforme à notre volonté. C’est dans la capacité à déterminer le comportement des autres acteurs que réside l’essence du pouvoir (cf. J.S. Nye).
Afin de dépasser l’approche des colonels chinois et amener l’abolition des frontières stratégiques au niveau supérieur, nous proposons le terme de « stratégie hybride ». Cette stratégie peut être définie comme « l’utilisation intégrée de tout instrument capable d’influer la trajectoire d’un acteur pour atteindre des objectifs ».
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