Guerres, pétrole et radicalisme. Les chrétiens d’Orient pris en étau
Guerres, pétrole et radicalisme. Les chrétiens d’Orient pris en étau
Marc Fromager est directeur de l’AED (Aide à l’Église en détresse) en France. Très impliqué sur le terrain pour soutenir les communautés chrétiennes en proie aux difficultés, notamment au Proche et Moyen-Orient, il livre ici un cri d’urgence pour rappeler à un Occident souvent aveugle par lâcheté le sort dramatique de ces dernières.
Dans cet essai incisif et percutant, Marc Fromager dresse avec précision un bilan plus qu’inquiétant sur l’avenir des chrétiens d’Orient en retraçant leur histoire, la confrontation-cohabitation séculaire avec le monde musulman et aujourd’hui leur élimination quasi systématique par les islamistes radicaux. Or, il faut rappeler avec force et détermination que les chrétiens sont chez eux en Orient et ce, depuis l’origine. En effet, les Églises d’Orient sont parmi les plus anciennes et remontent aux premiers temps du christianisme.
Indépendamment de toute approche spirituelle, elles ont de facto la légitimité historique due à leur antériorité. Le nier, comme le font les islamistes, vient à vouloir effacer l’Histoire comme ils le font de manière systématique en détruisant notamment les sites archéologiques ante-islamiques.
Malheureusement, ce christianisme originel se retrouve depuis des siècles en situation minoritaire en composant obligatoirement avec les pouvoirs politiques en place, au risque de certaines compromissions devenues accusatrices aujourd’hui, souvent par ignorance de la réalité locale.
La radicalisation actuelle de l’Islam devient ainsi une menace existentielle pour toutes les communautés chrétiennes, avec un degré de violence inégalée notamment dans les zones sous le contrôle de l’État islamique. Celui-ci ne laisse guère le choix aux chrétiens, avec un projet quasi génocidaire. Le drame est que l’Occident a mis du temps pour prendre conscience de cette situation, malgré toutes les alertes et mises en garde. L’hypocrisie, pour ne pas froisser les États sunnites de la région, a hélas accéléré le processus d’élimination des chrétiens en les forçant à choisir la route de l’exil.
On peut cependant contester certaines analyses de l’ouvrage, en particulier sur l’importance de la question pétrolière. Certes, durant près de soixante-dix ans, la préoccupation des États-Unis a été le pétrole moyen-oriental. Mais depuis la révolution énergétique des gaz de schiste, la donne a changé. Les États-Unis n’ont plus un besoin vital du brut saoudien et le basculement de la politique étrangère américaine vers la zone Asie-Pacifique reste la priorité de Washington. Il n’en reste pas moins que l’auteur a raison en soulignant que la disparition des chrétiens d’Orient serait une catastrophe, pour eux dans un premier temps, mais aussi pour l’Europe, qu’elle se revendique chrétienne ou laïque. Penser que le problème des chrétiens d’Orient reste local et confiné à une minorité serait un aveuglement suicidaire. Hélas, les attentats de Paris le 13 novembre en sont une illustration dramatique et montrent bien qu’il existe une communauté de destin. Le monde arabe a besoin de chrétiens, peut-être encore plus aujourd’hui s’il veut surmonter les haines qui le divisent. L’Europe, et donc la France, ont besoin des chrétiens d’Orient car ils appartiennent également à notre histoire et donc à notre futur. ♦