Le Moyen-Orient est profondément et durablement déstabilisé sans que des perspectives claires ne se dégagent aujourd’hui. Certes, les Occidentaux ont leur part de responsabilité mais les États de la région doivent admettre qu’ils doivent revoir leur politique et accepter l’émergence d’une société civile pour éviter le chaos.
De la guerre froide au califat : transformations de l’environnement stratégique du Moyen-Orient
From the Cold War to the Caliphate: Transformation of Strategic Context in the Middle East
The Middle East was profoundly and destabilized for long terms without any clear perspectives to get out of it today. Indeed, the West has responsibilities to them but the countries in the region should admit that they need to review their policy and to accept the emergence of a civil society to avoid chaos.
Un siècle après les Accords Sykes-Picot, il ne reste plus grand-chose de l’édifice colonial forgé par les puissances occidentales au Moyen-Orient. Cette région du monde, selon la typologie de Robert Cooper, est en train de basculer de l’état « moderne » vers l’état « pré-moderne » ; de l’organisation en États-nations délimités par des frontières et la détention du monopole de la violence légitime, vers une organisation clanique ou tribale, où le poids des groupes armés l’emporte sur les capacités gouvernementales (1). Partout, les États sont assiégés. L’Irak, la Syrie, la Libye et le Yémen sont en état de guerre civile, réelle ou virtuelle ; le Liban comme la Jordanie sont affaiblis. Les acteurs non étatiques profitent de cette situation pour remplir le vide : le Hezbollah, les brigades Badr, Daech, le Front al-Nosra, certains groupes kurdes, pour n’en citer que quelques-uns. Même les États les plus solides – l’Égypte, la Turquie, l’Iran – semblent affectés par une crise de gouvernance, et peu à peu le Moyen-Orient se transforme en un nouvel Afghanistan.
Cette situation semble d’autant plus appelée à durer que les puissances régionales, en proie notamment à l’opposition entre sunnites et chiites, sont incapables de s’unir contre Daech et que le retrait américain de la région transforme l’ancienne logique d’unipolarité en une logique de non-polarité. L’intervention russe, quant à elle, loin de favoriser le retour de la stabilité, brouille un peu plus la donne. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Pour le comprendre, il nous faut regarder en arrière. Depuis 1945, deux moments clés ont effectivement déterminé l’avenir de cette région : l’année 1979 et, une décennie plus tard, la fin de la guerre froide. Pour chacun de ces tournants, la politique régionale a été déterminée par les forces et dynamiques locales bien plus que par les puissances extérieures dont le rôle fut toujours marginal, même pendant la guerre froide et la décennie d’unipolarité qui a suivi l’effondrement de l’URSS.
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