Dès sa création, le Pakistan – État musulman – a voulu se rapprocher du monde arabo-musulman. Très lié avec l’Arabie saoudite, le régime pakistanais a entretenu une relation parfois ambigüe. À l’heure d’un affrontement chiites-sunnites, le Pakistan doit ménager Téhéran tout en conservant l’appui financier de Riyad.
Le Pakistan peut-il se permettre de perdre le Moyen-Orient ?
Can Pakistan afford to lose the Middle East?
Since its creation, Pakistan—a Muslim country—has wanted to get closer to the Arabo-Muslim world. Very much tied to Saudi Arabia, the Pakistani regime maintains a relation that could be ambiguous sometime. At the time of a shiites-sunnis confrontation, Pakistan should treat Tehran carefully while keeping the financial support of Riyadh.
À la fin de l’année 2015, le Pakistan a refusé d’engager ses troupes au côté de l’Arabie saoudite dans la guerre qu’elle mène au Yémen. Cette décision a suscité l’ire du royaume saoudien qui considère le Pakistan comme l’un des garants de sa sécurité. Elle a également provoqué de nombreux froncements de sourcils dans et hors de la République islamique. Islamabad serait-elle finalement à même de se détacher de Riyad avec laquelle elle entretenait une relation de quasi-dépendance, alimentée en particulier par un lien idéologique fort ? Il est en effet d’usage de considérer que la radicalisation interne du Pakistan est le produit de la diffusion du wahhabisme depuis l’Arabie saoudite. Pendant des décennies, Riyad a par ailleurs servi de chambre de compensation pour les querelles politiques pakistanaises et les dirigeants pakistanais se sont régulièrement rendus dans le royaume arabe pour obtenir des conseils, sous couvert de pèlerinage. Inversement, l’Arabie saoudite se situe depuis longtemps dans une forme de dépendance militaire à l’égard du Pakistan.
Aussi intense soit-elle, cette relation ne justifie cependant pas un soutien inconditionnel de la République islamique vis-à-vis de l’Arabie saoudite et des autres monarchies du Golfe. Cela ne signifie pas que le Pakistan veuille rompre sa relation avec Riyad, Abu Dhabi et Doha, mais qu’il entend préserver ses propres intérêts stratégiques. Cela l’amène, pour des raisons militaires, économiques et de sécurité intérieure, à rechercher des rapports plus équilibrés avec la péninsule Arabique. Contrairement à une idée reçue, les relations entre le Pakistan et le Moyen-Orient sont ainsi toujours en cours de définition, même s’il faut garder à l’esprit que la remise en question du lien bilatéral avec l’Arabie saoudite n’induit aucunement une révolution de la politique extérieure pakistanaise. Après tout, l’Arabie saoudite et les pays du Golfe ont fortement investi la société pakistanaise pendant des décennies en soutenant l’idéologie et les organisations panislamiques et djihadistes. Certaines de ces institutions restent essentielles pour la communauté militaire pakistanaise, en particulier pour maintenir un certain équilibre stratégique avec l’Inde. Cette influence doit néanmoins être réévaluée à l’aune des évolutions géopolitiques récentes.
L’enjeu militaire et stratégique
Tout Pakistanais a été élevé dans l’idée que le Moyen-Orient est une région essentielle pour le Pakistan. L’État et l’armée ont effectivement donné au pays le rôle de défenseur de l’islam et des autres pays musulmans, en particulier contre la menace incarnée par Israël. En 1951, le premier chef du gouvernement du pays, Liaquat, déclarait ainsi : « Nous n’avons pas créé le Pakistan pour répandre un peu plus de couleur sur la carte du monde, mais pour servir l’islam et les musulmans, et pour resserrer les liens de la communauté musulmane mondiale » (cf. M. Rizvi).
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