L’évolution récente de la situation sécuritaire dans la plupart des régions du continent conduit les États africains à transformer des armées « sociales » en des armées d’emploi. La France est disponible et possède l’expérience et les outils adaptés pour aider les pays africains à réaliser cette révolution. Les défis à relever sont nombreux mais cela est une étape indispensable sur le chemin de la sécurité et du développement.
Révolution dans les affaires militaires africaines
A revolution in African military affairs
The recent developments in the security situation in most regions of the continent have led African states to transform their society-centred armed forces into active forces. This phenomenon raises questions as to the African peace and security architecture and also highlights the role of inter- national actors such as the UN, the EU and bilateral partners. France is receptive and has the experience and appropriate tools to assist African countries in fulfilling this “revolution”.
Début 2013, le contingent tchadien engagé aux côtés des armées françaises dans le Nord-Mali a perdu près d’une centaine de combattants dont 36 tués. En 2014, les bataillons d’intervention rapide (BIR) camerounais ont fait face à des assauts meurtriers du groupe Boko Haram pendant plusieurs jours nécessitant l’intervention de l’aviation et de l’artillerie pour tenir les positions. Enfin 2015 aura été marquée par des actions spectaculaires et sanglantes des shebab contre les positions de la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). En quelques années, le paysage stratégique africain s’est transformé. De la Somalie au lac Tchad en passant par le Nord-Mali ou la région des Grands Lacs, les armées africaines interviennent dans des conflits de plus en plus durs face à des adversaires déterminés. Les contingents africains mènent désormais des opérations de guerre et ont dû s’adapter pour devenir des armées d’emploi.
Des « armées sociales » à des armées d’emploi
Au moment des indépendances, la plupart des pays africains se sont dotés d’armées conventionnelles sur le modèle d’un des deux grands blocs de la guerre froide. Ces armées, le plus souvent inadaptées aux réalités locales (géographie, menaces, soutenabilité du modèle, etc.), se sont peu à peu transformées en « armée sociale » ou en « garde prétorienne », bien loin du rôle régalien dévolu traditionnellement aux armées.
L’irruption du fait terroriste au Sahel et dans la Corne de l’Afrique a profondément rebattu les cartes. Désormais, les États africains ont un besoin pressant d’armées professionnelles capables d’assurer la sécurité et le contrôle de vastes territoires, souvent difficiles d’accès (1), et de lutter contre des groupes armés radicaux, mobiles et organisés. En 2014, quand le Cameroun a dû faire face aux exactions du groupe Boko Haram dans l’extrême Nord du pays, les forces de défense et de sécurité se sont trouvées fragilisées. Seules, quelques unités d’élite comme les BIR ou le bataillon parachutiste, ont été en mesure de réagir pour contenir la menace. Cependant, ce modèle a rapidement atteint ses limites et le Cameroun a craint, à juste titre, de se trouver débordé par le flot de combattants de Boko Haram. L’action énergique du Président, du gouvernement et de l’état-major camerounais a permis de rétablir la situation mais au prix d’une adaptation à marche forcée et sous forte pression opérationnelle. Le commandement a été réorganisé avec la création d’une nouvelle région militaire, les unités conventionnelles ont été dotées d’équipements neufs et un réel travail doctrinal a été conduit. Tout n’est évidemment pas réglé mais on peut désormais parler de forces armées d’emploi, professionnelles, cohérentes et efficaces. Cette démarche en rappelle d’autres même si les situations diffèrent. En Mauritanie, par exemple, la création des compagnies et groupements spéciaux d’intervention (CSI et GSI) a été une réponse adaptée pour faire face à la menace de petits groupes armés terroristes évoluant dans les grandes étendues sahéliennes.
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