La lutte contre la piraterie a permis l’émergence d’une architecture régionale maritime de coopération. Le Code de conduite de Djibouti et le futur Centre régional de fusion de l’information maritime à Madagascar peuvent être vus comme des jalons importants mais la région demande un mécanisme plus ambitieux avec une structure répondant à des objectifs stratégiques.
Piraterie et insécurité maritime dans l’Ouest de l’océan Indien : quelles perspectives régionales ?
Piracy and maritime security in the Western Indian Ocean Region
The fight against piracy led to a nascent regional maritime cooperation architecture. The Djibouti Code of Conduct and the future Regional Maritime Fusion Center in Madagascar can be seen as important steps but the region needs a broader mechanism with a strategic framework. Can AIMS 2050 fulfil this role?
Au contact des continents africain, asiatique et océanique, l’océan Indien s’étend sur plus de 73 millions de km² si l’on y intègre la mer Rouge et le golfe Persique. La sécurisation des approvisionnements le long des routes maritimes le traversant et le libre accès aux détroits d’Ormuz et de Bab El Mandeb sont primordiaux puisque ce vaste espace maritime abrite environ 30 % du trafic mondial, dont les deux tiers du trafic pétrolier. Ici, plus qu’ailleurs, la maritimisation des enjeux économiques a profondément modifié les équilibres géopolitiques créant et entretenant des risques et menaces transnationales allant du terrorisme à la piraterie, des flux criminels aux atteintes à l’environnement et à la biodiversité (1).
Depuis la fin de la guerre froide, où il a été le théâtre de la confrontation américano-soviétique, le système de sécurité maritime de l’océan Indien a connu de profondes transformations. À l’instar de la Somalie, beaucoup d’États littoraux possèdent des capacités limitées pour contrôler leur domaine maritime laissant tout type d’activités illicites se développer, dont la piraterie reste l’illustration la plus emblématique. Il en résulte que les enjeux liés à la mer, dont la protection des voies maritimes internationales, ont pris une importance considérable. Cela a entraîné une nette militarisation de la région par le biais du déploiement d’importantes flottes internationales avec l’investissement d’acteurs extra-régionaux dont la Chine, désormais installée à Djibouti. C’est dire que l’intérêt stratégique international pour l’ensemble de l’océan Indien ne se dément pas. La raison tient pour une grande part à l’instabilité qui caractérise la région à cause de la porosité d’une menace terroriste significative qui mobilise les appareils sécuritaires régionaux et les efforts de la communauté internationale. On peut d’ailleurs estimer que cette vision, ciblée sur l’instabilité à terre, est à l’origine du phénomène de « sea blindness » locale en dépit d’un intérêt manifeste – quoique récent – de l’Union africaine (UA) pour le développement d’une gouvernance maritime cohérente susceptible d’encourager la mise en place d’une économie bleue.
Pour l’heure, une phase de transition semble ouverte avec la mutation des mandats des principales opérations de lutte contre la piraterie, notamment Ocean Shield pour l’Otan et fin 2018 Atalante pour l’Union européenne (UE) au vu de la décrue des actes de piraterie. La réduction de la présence internationale dans les eaux du golfe d’Aden qui en découle n’est pas sans susciter des interrogations sur les capacités des États de la région à assurer la protection de leurs espaces maritimes, posant en filigrane la question du succès des différents programmes de renforcement qui leur ont été consacrés. Au-delà d’une maîtrise technico-opérationnelle, les enjeux demeurent avant tout politiques. L’élaboration d’une stratégie maritime intégrée par l’UA en 2014 témoigne d’une réelle volonté d’appropriation africaine. Peut-elle constituer le commun dénominateur maritime qui unirait l’océan Indien ? Jusqu’à quel point les États africains sont-ils prêts à mettre en œuvre les stratégies existantes et à développer les moyens nécessaires à une sécurisation effective de leurs espaces maritimes. Par ailleurs, comment les grands partenaires de l’Afrique, dont l’UE, considèrent-ils les efforts maritimes du continent ? Ont-ils l’intention de travailler en synergie et de contribuer à l’émergence d’une réelle architecture de coopération en faveur de la sécurité maritime régionale ?
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