Oman, de par sa position stratégique entre océan Indien et golfe Persique, joue un rôle important dans les équilibres régionaux. La dimension maritime est essentielle pour Oman qui a engagé d’importants efforts pour développer une politique plus ambitieuse tournée vers la mer.
Oman, le retour d’une ambition maritime : quelles incidences stratégiques ?
Return of Maritime Ambition in Oman: What Strategic Consequences?
By virtue of its strategic position between the Indian Ocean and the Persian Gulf, Oman plays a major role in regional balances. The maritime dimension is essential for Oman, which has committed to substantial effort in developing a more ambitious sea-orientated policy.
Rare îlot de stabilité dans une région sous tension, le feutré sultanat d’Oman entretient avec la mer une relation ancestrale. Doté d’une position stratégique sur l’océan Indien, il s’était jadis taillé une vaste thalassocratie : de Bandar Abbas, en Perse, à Zanzibar, son ancienne capitale. De nos jours, « Oman n’est plus une puissance maritime » (cf. M. Lavergne) et son économie est soutenue quasi exclusivement par la rente pétrolière. Le sultanat s’est pourtant engagé ces dernières années sur la voie d’une diversification économique à marche forcée. Contraint par l’effondrement de ses revenus pétroliers, Oman pointe de nouveau son regard vers le large. Il a ainsi entrepris la construction et la rénovation d’un vaste réseau portuaire : de Salâlah à Sohâr en passant par Douqm. Cette ambition maritime retrouvée lui ouvre de nouvelles perspectives économiques, mais aussi stratégiques. Conscients du fort potentiel des ports omanais – situés en dehors du golfe Persique et donc indépendants du détroit d’Ormuz, dont Oman est le gardien oublié – de nombreux acteurs internationaux y avancent déjà leurs pions. La pétromonarchie n’a toutefois pas la pleine maîtrise de son avenir qui dépend d’un contexte régional sur lequel elle n’a pas prise, et de puissants voisins, avec lesquels elle entretient des relations complexes. Que se joue-t-il donc le long des côtes omanaises, loin des projecteurs ?
Oman et la mer, une histoire entre grandeur et décadence
L’ancien empire maritime
Les liens entre Oman et la mer remontent à plus de cinq mille ans. À la croisée des routes maritimes entre l’Afrique de l’Est et l’Asie, le sultanat s’impose comme un important port commercial dès le IIIe millénaire. Son activité connaît un nouvel essor entre les VIIIe et XVe siècles de notre ère, lorsque les navigateurs-marchands omanais, profitant de l’abandon progressif de la route terrestre de la soie, alors menacée par les guerres turco-byzantines, ouvrent la route maritime de Canton. Libérés d’une tutelle portugaise d’un siècle, ces marins établissent à la fin du XVIIe siècle de nombreux comptoirs commerciaux le long des côtes swahilies de l’Afrique orientale. En baignant ainsi le littoral de l’océan Indien, de Zanzibar – province la plus prospère – au Baloutchistan, ces colonies outre-mer, par lesquelles transitaient clous de girofle, épices, soie ou encens, ont permis au pays du navigateur légendaire Sindbad, de s’affirmer comme un riche empire maritime.
Un espace déjà en proie aux luttes d’influence
Aux XVIIIe et XIXe siècles, Oman devient également un lieu d’expression privilégié de la rivalité coloniale franco-britannique dans l’océan Indien. Les deux puissances partageaient alors une conviction – au moins : la défense de leurs intérêts commerciaux dans la région passait par une relation forte avec le sultanat. La Grande-Bretagne était alors obnubilée par la sécurisation de la route des Indes, sur laquelle Oman occupait une place de choix. La France, quant à elle, était présente à La Réunion, aux Comores et à Madagascar. Sa relation avec Oman (qui remonte aux années 1660) connaît son apogée en 1846, lorsque Paris (non sans arrière-pensées) concède aux boutres omanais le droit de battre pavillon français (cf. G. Crouzet). Ulcérée, la Couronne britannique accuse alors ces « boutres francisés » (1) de servir la traite, et décide de porter l’affaire devant le Tribunal de La Haye. La France est finalement condamnée en 1905 et la mainmise britannique sur la région fut scellée.
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