Ramses 2017 - Un Monde de ruptures
Ramses 2017 - Un Monde de ruptures
Le jeu des sigles et acronymes permet à l’Ifri (Institut français des relations internationales) de s’approprier le patronage prestigieux de onze pharaons et surtout des trois premiers Ramsès (1314-1166 avant Jésus-Christ). C’est, on le sait, du Rapport annuel mondial sur le système économique et la stratégie qu’il s’agit, l’économie étant ici privilégiée.
L’œuvre, collective, réunit 46 contributeurs et est ouverte par Thierry de Montbrial, dont les « Perspectives » doivent être méditées. Celles-ci se partagent entre l’économie, donc, où la Chine de Xi Jinping tient une grande place, les forces et leur équilibre en Asie, au Moyen-Orient, en Europe, l’évolution enfin, problématique, de l’Union européenne. La Chine, nous dit-on, est économiquement sur la bonne voie. Dans les autres pays dits émergents… c’est selon. Sur le Brésil, l’auteur rappelle le mot de Clemenceau, « pays d’avenir et qui le restera ». L’Inde n’est pas plus assurée du sien. Celui de la Russie (pays émergent ? La honte !) est suspendu à la succession de Vladimir Poutine. Au Moyen-Orient, compliqué comme l’on sait, le départ, bien légèrement souhaité, de Bachar el-Assad pourrait ouvrir la boîte d’une Pandore syrienne. La succession saoudienne, à l’inverse, n’est pas mal partie, reposant sur les jeunes épaules du benjamin Mohammed ben Salman. L’équilibre des forces, vieille Lune croît-on, reste le meilleur garant de la sécurité, Thierry de Montbrial étant sceptique sur une mondialisation heureuse, tant en Asie de l’Est qu’au Moyen-Orient ou en Eurafrique. Dans ce dernier théâtre, l’épisode libyen inspire à l’auteur cette réflexion désabusée : « On ne joue pas impunément avec les régimes d’autrui ». Enfin, on s’interroge sur le sort même de l’Union européenne, que le « tsunami des réfugiés » rend incertain. Alors, la mondialisation est-elle notre destin ? Sans doute, mais la voir paisible est faire preuve d’optimisme : il faut se contenter de l’espérer raisonnable, pour détourner les peuples… du populisme.
Après ces perspectives, une deuxième partie définit trois enjeux pour l’année qui s’ouvre : le terrorisme (sous la direction de Corentin Brustlein), le Moyen-Orient (Denis Bauchard et Dorothée Schmid), l’avenir de l’Europe (Philippe Moreau Defarges). Premier enjeu, le terrorisme. Priorité bien choisie, on en conviendra. Tout au plus pourra-t-on regretter que sa source, aujourd’hui strictement islamique, ne soit pas suffisamment soulignée. Ainsi, « le terrorisme est tout sauf neuf » annonce en introduction Dominique David. Il a tort. Ce qui est neuf, certes, n’est pas le terrorisme, mais son actuel support, qu’on répugne à nommer : islamique, disons-nous, et non islamiste. Mais on ne prend pas Dominique David sans vert. Nous voici en proie au spleen baudelairien, « peur perpétuelle d’un malheur vague ». On retiendra ici un article de Marc Hecker qui éclaire la concurrence qui oppose Al-Qaïda et l’État islamique. L’intervention française en Syrie-Irak est décrite, aérienne et non au sol où elle n’est que par procuration, dit justement Rémy Hémez, officier chercheur, détaché à l’Ifri. Denis Bauchard doute que notre intervention suffise à éteindre « un Moyen-Orient en feu » ; il se veut pourtant rassurant sur l’avenir d’un pays lourd de symbole, l’Arabie saoudite. Il fallait enfin l’agilité intellectuelle de Philippe Moreau Defarges pour aborder l’avenir, bien incertain ose-t-il dire, de l’Union européenne.
La troisième partie de l’ouvrage met le monde en questions. Questions en effet que l’identité européenne au défi des migrations, celle des États-Unis au risque de Trump, de la Russie face à l’État islamique (gare au Caucase, prévient Julien Nocetti, nostalgique sans doute de Brassens et de son Gorille), de tous face à la finance internationale et une Asie orientale ponctuée d’interrogation. Sur l’Afrique, on reste bref, discrétion tristement explicable.
La quatrième partie, justement baptisée « Repères », sera utile aux lecteurs sérieux. Et plus encore, avec ses cartes, à ceux qui ne le sont pas. ♦