Le maintien de l’ordre constitue un enjeu essentiel lors de manifestations surtout lorsque celles-ci dégénèrent en émeutes. Le développement de l’usage des réseaux sociaux doit amener à une réflexion sur l’emploi des forces de l’ordre, aujourd’hui basé sur des procédés linéaires.
Forces mobiles et réseaux sociaux : la ligne face à la multitude
Mobile Force and Social Networks: the Line Facing the Multitude
The maintenance of order is an essential issue during the protests especially those turn into riots. The development of social networks’ usage should bring a reflection on the use of law enforcement, based on the linear procedures today.
À l’occasion des violences qui eurent lieu en Angleterre en 2011, des journaux avaient dénoncé, à tort, l’utilisation des nouvelles technologies par les émeutiers (1) (2). Le Premier ministre de l’époque avait même envisagé la censure de la messagerie Black Berry. Après ces événements, il a été démontré que les délinquants n’avaient pas utilisé la téléphonie mobile pour se coordonner et que les réseaux sociaux avaient permis une contre-mobilisation (3). L’analyse des tweet sur différentes rumeurs a montré également l’importance de communiquer afin d’éviter que la propagation de fausses nouvelles n’entretienne un climat délétère (4). Le contrôle étroit des réseaux de télécommunication n’est donc pas la solution pour lutter contre la criminalité. Deux chercheurs ont, par la suite, analysé l’idée selon laquelle (5) la censure amplifie le désordre. Les périodes de stabilité sociale seraient plus longues après les pics de violence si l’activité informationnelle autour d’un événement est maintenue. Ainsi, les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour appuyer des initiatives d’appel à la raison ou saper des mouvements de panique ou de défiance à l’égard des forces de l’ordre.
À une époque marquée par le phénomène durable des émeutes (6), les réseaux sociaux jouent un rôle ambigu de boutefeu ou d’éteignoir. Le maintien de l’ordre qui est un art de communication, doit y puiser de nouvelles pistes de réflexion. Les forces de sécurité habituées aux dispositifs serrés et verticaux, doivent désormais apprivoiser le filet horizontal tendu par les médiactivistes (7) ; toujours en situation de tension (8), elles sont appelées à prendre la mesure des enjeux opérationnels de l’infosphère (9) pour étayer ses capacités et organiser ses dispositifs face à des manifestants agiles qui jouent déjà avec ces nouveaux habits de la subversion. Les nouveaux moyens de communication peuvent permettre de renforcer la légitimité de l’action publique, alors que par ailleurs les rangs des forces mobiles ont tendance à se réduire et que leurs capacités d’appui toujours spectaculaires parce qu’exceptionnelles sont utilisées avec une grande retenue. Face à des foules intelligentes (10), mais plus encore face à des groupes de manifestants mobiles et déterminés, le travail de l’ordre public doit être repensé et les nouveaux moyens de communication nous en offrent la possibilité.
Le concept de maintien de l’ordre est basé sur la volonté de montrer la force sans avoir à la mettre en œuvre. Les aspects non verbaux des attitudes et l’ensemble des règles de discipline qui découlent des mouvements des unités appuient l’idée selon laquelle plus les opérations sont denses, plus la ligne doit être tenue avec ordre. La subtilité des choix pour l’ordonnancement des forces consiste toujours pour le responsable tactique à prendre le maximum de soin à en contracter le schéma et à en réserver l’emploi. La limite de cet exercice parcimonieux est la perte de l’initiative. Cette sclérose impose alors de devoir réagir avec rigueur au risque d’entraîner des mouvements de foule toujours délicats à contenir ; ainsi, aussi inspirée que soit sa conception, une manœuvre d’ordre public peut être ruinée dès la première image péjorative.
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