Défense Nationale a publié, en août-septembre 1978 (contre-amiral Sevaistre, « La dissuasion : théorie ou situation de fait ») et en février 1980 (Georges Outrey, « Les doctrines stratégiques des deux Grands ») deux articles sur des sujets assez voisins. Ces deux articles présentaient le même inconvénient, celui de ne faire référence qu'à des travaux américains ou à des traductions américaines de documents soviétiques. Le groupe d'étude et de recherches sur la stratégie soviétique, qui dépend de la Fondation pour les études de défense nationale, a le très grand avantage et le très grand mérite de puiser directement aux sources soviétiques les plus autorisées et les plus connues. Son sujet est également plus étendu puisqu'il traite également de la doctrine française de dissuasion.
La guerre nucléaire : doctrine soviétique et doctrines occidentales
Depuis 1945, les doctrines occidentales de maniement de la menace nucléaire en temps de paix ou de guerre ont évolué en fonction de la perception de l'adversaire potentiel, des objectifs politiques propres de chaque État et de l'avènement de nouvelles techniques. Les États-Unis, partant du concept de base de « représailles massives », l'ont raffiné pour aboutir aux doctrines de « riposte graduée », de « frappe antiforces » ou de « frappe sélective ». Pour mettre sur pied une force de frappe servant des objectifs politiques modestes, les Français se sont appuyés sur la notion de disproportion entre l'enjeu « France » et les risques que leur force stratégique nucléaire fait courir à l'agresseur potentiel.
Dans le domaine des stratégies nucléaires, il est important, pour nous Occidentaux de connaître la perception qu'ont les Soviétiques de nos doctrines, dont le but est non seulement de faire peser une menace comme toute doctrine militaire conventionnelle, mais aussi de définir clairement les engagements politiques qu'elles doivent servir. L'opinion soviétique se reflète à la fois dans des faits touchant sa politique, dans ses efforts de préparation militaire, et dans des écrits doctrinaux. Il ne faut pas négliger ces derniers car, dans la société soviétique, ils ont une valeur supérieure à de simples intentions. Ils servent en effet de base à la préparation de la guerre dans l'armée et la population.
Après avoir rappelé brièvement l'essence et le contenu de la doctrine militaire soviétique, c'est dans ces écrits que l'on recherchera les perceptions et critiques des stratégies nucléaires occidentales depuis la doctrine des « représailles massives » jusqu'aux développements les plus récents de la stratégie américaine et française. Ces perceptions pourront être directes quand les doctrines occidentales sont explicitement mises en cause, ou indirectes quand la doctrine soviétique adopte des positions opposées.
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