Le 60e anniversaire du Traité de Rome montre que la construction européenne a été complexe et hésitante entre plusieurs approches mêlant économie et stratégie, avec des ambitions et des projets différents entre les acteurs, dont principalement Paris et Bonn. Les pressions extérieures ont, de fait, poussé les Européens à progresser malgré leurs divergences.
Préambule – La France et la relance européenne de 1955-1957 : économie et stratégie
Preamble–France and the European Restart of 1955-1957: Economy and Strategy
The 60th anniversary of the Treaty of Rome shows that the European construction has been complex and hesitant between several mixed economic-and-strategic approaches, with ambitions and different projects between actors, which are principally Paris and Bonn. In fact, the exterior pressures have, pushed the Europeans to progress despite their divergences.
Pour comprendre la position de la France entre la relance européenne à Messine en 1955 et les traités de Rome de 1957, il faut rappeler la période antérieure, jusqu’à l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) au Parlement le 30 août 1954. La base de la politique européenne de la France depuis le Plan Schuman de 1950 était un compromis pragmatique entre ceux qui étaient convaincus de la nécessité de l’intégration européenne en soi, pour des raisons économiques, politiques et même idéologiques, et ceux qui y voyaient d’abord une nécessité, un instrument pour régler le problème allemand, en l’intégrant dans une construction européenne dirigée de Paris (1).
Pour quelles raisons l’échec de la CED en 1954 ? Pas tellement à cause du réarmement allemand en soi, considéré comme inévitable face à l’URSS, mais parce que la CED faisait éclater le compromis pragmatique décrit ci-dessus, en particulier avec le projet d’« Union politique » de 1953 qui la complétait avec une organisation politique d’inspiration très fédérale : il fut ressenti par beaucoup de responsables, même jusque-là prêts à accepter la CED, comme conduisant à la perte de la souveraineté nationale.
L’échec de la CED a donc marqué à la fois un tournant politique essentiel et l’établissement d’un nouvel équilibre à Paris, ainsi que la fin de l’intégration européenne comme principe et instrument essentiels de la politique française. D’une part, on passait désormais à une conception plus modérée de la « construction européenne » et ce, bien avant le retour du général de Gaulle en 1958. Cette construction concernerait l’économie mais pas les domaines régaliens de la politique extérieure et de la défense (qui allaient bien être pris en compte, on l’oublie trop, mais dans un cadre différent). D’autre part, le rôle des États serait accru, face aux autorités supranationales du type « Haute autorité » de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).
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