Le porte-avions a vécu un deuxième cycle d’activités de 2009 à 2016 marqué par la progression de ses capacités opérationnelles avec l’évolution vers le « tout Rafale ». Son interopérabilité avec les porte-avions américains a constitué un atout supplémentaire, renforçant l’intérêt stratégique du groupe aéronaval.
2009-2016 : quelles leçons du deuxième cycle opérationnel du Charles-de-Gaulle ?
2009-2016: What Lessons can be learned from the Second Operational Cycle of Charles-de-Gaulle?
The aircraft-carrier has gone through the second cycle of activities from 2009 to 2016, which is characterized by the progress of its operational capacities with development towards the “tout Rafale”. Its interoperability with the American aircraft-carriers has constituted a supplementary asset, reinforcing the strategic interest of the aeronautical group.
Le deuxième cycle opérationnel accompli par le porte-avions Charles-de-Gaulle depuis sa mise en service en juin 2001 s’est achevé en décembre dernier. Entre décembre 2008, date de la fin de son premier arrêt technique majeur, et décembre 2016, le Charles-de-Gaulle aura connu huit années d’activité opérationnelle – 1 100 jours de mer – marquées par un niveau d’engagement croissant dans les conflits récents – Afghanistan (2010-2011) puis Libye (2011) et enfin Levant (2015-2016) – et par un niveau d’interopérabilité de plus en plus affirmé avec la marine américaine. Quelles grandes leçons peut-on tirer de ce cycle opérationnel ?
Un retour progressif du porte-avions au premier plan
La première leçon est celle de la confirmation de l’importance du porte-avions dans la posture de défense française. En mars 2015, étant alors chef d’état-major des armées des États-Unis, le général Dempsey vient à bord du Charles-de-Gaulle invité par son homologue français, quand ce dernier lui demande de bien vouloir poursuivre son aide technique au Sahel pour l’opération Barkhane, l’Américain répond d’un tonitruant « Sure, I will, because of that! » en montrant le porte-avions, mis à disposition des Américains par la France pour combler leur pénurie durable de ceux-ci (1). Pour beaucoup, considéré comme un simple moyen tactique complémentaire, le porte-avions français a vu sa place redevenir éminemment politique à la faveur de l’actualité. En 2015, appareillage du GAN après l’attentat de Charlie Hebdo (Arromanches I), appareillage après les attentats de Paris (Arromanches II) et enfin en 2016, appareillage quelques semaines après l’attentat de Nice (Arromanches III). Le porte-avions possède en effet trois atouts essentiels. Le premier, est sa puissance de feu qui permet de peser de façon importante dans les coalitions et ainsi y exercer un double effet militaire et politique. Le deuxième atout, est la souveraineté du porte-avions – le sol français en espace international – qui permet au pouvoir politique de déployer sa communication stratégique sans contraintes. Enfin, troisième atout, le porte-avions constitue un des outils majeurs de dialogue stratégique entre États. Par le volume d’espace aéromaritime qu’il occupe avec son escorte, il constitue un outil qui permet d’affirmer des ambitions, d’illustrer une volonté politique, de monnayer un appui sur un autre dossier. De 2008 à 2016, sur deux mandats, le président de la République sera venu six fois à bord.
Un « design » réussi
La deuxième leçon est celle de la pertinence de la conception de ce navire qui, depuis son neuvage en 2001, permet une progressive « montée en gamme » du groupe aérien. Conçu initialement dans les années 1980 pour n’accueillir que des Rafale Marine et des E2C Hawkeye, l’étalement des programmes d’armement consécutif à la chute du mur de Berlin a imposé pendant quinze ans à la Marine la coexistence d’un groupe aérien mixte Rafale/Super Étendard Modernisé (SEM) dont le taux de répartition a cru au rythme des livraisons de Rafale. Ce n’est en effet que depuis l’été 2016 que le Charles-de-Gaulle met en œuvre un groupe aérien « tout Rafale » qui révèle le plein potentiel de ce navire. En 1999, pendant l’opération Allied Force au Kosovo, les 20 SEM du porte-avions parvenaient à aligner 20 bombes sur le pont du Foch à chaque cycle de mise en œuvre, compte tenu des capacités limitées de l’avion (2). Aujourd’hui, 10 Rafale peuvent mettre en œuvre 60 bombes de précision, une évolution qui met la France dans le groupe de tête des nations aéronavales. Capable de voler pendant plus de 7 heures, de ravitailler de jour comme de nuit, connecté en temps réel aux réseaux de commandement cryptés, capable d’atteindre sans ravitaillement des objectifs à près de 2 000 kilomètres du navire, le Rafale offre une capacité opérationnelle de premier plan. Aujourd’hui, la puissance militaire du Charles-de-Gaulle est considérablement supérieure à celle de ses prédécesseurs Foch et Clemenceau. Les stocks de munitions embarquées – comme ceux de carburant aéronautique – sont bien plus importants grâce à la place gagnée par la propulsion nucléaire, une énergie un million de fois plus compacte que les énergies fossiles traditionnelles. Outre une modernisation de son système de combat nécessaire pour rester interopérable pour les deux prochaines décennies, l’arrêt technique du Charles-de-Gaulle va ainsi permettre de recharger les deux cœurs nucléaires du navire, 64 éléments de combustible contenant, dans quelques dizaines de mètres cubes, l’équivalent de près de 350 000 tonnes de gazole (3).
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