L'article que l'on va lire est une version revue et mise à jour d'une étude parue en langue allemande dans un recueil intitulé Friede durche zusammenarbeit in Europa [La paix par la coopération en Europe] de Hansjurgen von Kries, président du Politicher Club (Berlin Ouest), et qui rassemble des communications faites par une vingtaine de politologues et experts des questions européennes de l’Est et de l'Ouest, ainsi que des neutres et des non-alignés, sur divers aspects de la coopération en Europe. Pour les lecteurs de la revue, cet article vient en son temps, avant la réunion de Madrid des signataires de l'Acte final d'Helsinki de novembre prochain.
Mesures de confiance et sécurité en Europe
Le désarmement présuppose la confiance. Avant de s’engager dans cette voie, il convient de créer les conditions propices au succès d’une négociation en réduisant les foyers de tension et en faisant des gestes de bonne volonté à l’adresse de l’adversaire-partenaire. Dans le passé, des propositions telles que le plan « open skies » du Président Eisenhower (1955), la conclusion de l’armistice de Pan Mun Jom en Corée (1953) et le règlement négocié de la crise des fusées à Cuba (1962) ont eu une incidence positive sur le cours des pourparlers de désarmement, bien que leurs effets aient été limités et peu durables. Inversement, dans un monde divisé où s’accumulent les armements de précaution, les États n’accepteront de s’en défaire qu’en échange de garanties solides quant au respect des engagements pris et au maintien de leur sécurité.
Il apparut très tôt que l’élimination des stocks d’armes nucléaires échappait au contrôle et que le désarmement général et complet était un objectif hors d’atteinte. Aussi s’est-on orienté, à partir des années soixante, vers la conclusion d’accords sélectifs dans des domaines où les intérêts stratégiques des deux Grands étaient convergents et où la vérification ne se heurtait pas à des obstacles insurmontables. La réglementation des armements, qui en est résultée, ressortit à l’arms control dont la visée est moins la limitation des armements que la prévention de la guerre nucléaire par la stabilisation des équilibres dissuasifs. Les résultats acquis jusqu’à présent sont modestes et sont constamment remis en cause par le rythme de l’innovation technologique. En outre, le contrôle des mesures convenues est assuré par des moyens de vérification nationaux, notamment des satellites d’observation dont les États-Unis et l’Union Soviétique ont le monopole. Foncièrement discriminatoire, le régime de l’arms control ne saurait donc satisfaire les petites et moyennes puissances qui n’en tirent que des bénéfices aléatoires et sont invitées à souscrire à des arrangements à l’élaboration desquels elles n’ont apporté qu’une contribution dérisoire.
Les vicissitudes du désarmement et la crise de l’arms control ont ainsi conduit les États européens à expérimenter des méthodes sui generis pour consolider la détente et réduire les risques de conflit armé. On assiste depuis le milieu des années soixante à une mutation des relations entre l’Est et l’Ouest, qui s’est traduite par un rapprochement entre les deux parties du continent et le développement des échanges entre pays à régimes économiques et sociaux différents. La RFA a normalisé ses relations avec ses voisins orientaux et un modus vivendi s’est établi entre les deux États allemands qui ont été admis à l’ONU en 1973. La question de Berlin, qui fut si souvent le prétexte ou l’objet de crises internationales, a été provisoirement réglée par un accord quadripartite entré en vigueur en juin 1972. Enfin, la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), ouverte en juillet 1973, a débouché en août 1975 sur l’adoption d’un code de bonne conduite auquel trente-trois États européens, ainsi que les États-Unis et le Canada, ont déclaré vouloir se conformer à l’avenir.
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