Le renforcement des relations entre la Russie et la Turquie constitue une nouvelle surprise stratégique et donc un facteur d’inquiétude pour l’Otan, d’autant plus que la Turquie est un membre clé de l’Alliance atlantique et qu’un basculement n’est plus à exclure pour des raisons politiques.
Les perspectives d’évolution des relations russo-turques dans le nouvel environnement géostratégique
The Perspectives of Development of the Russian-Turkish Relations in the New Geostrategic Context
The reinforcement of the relations between Russia and Turkey is a strategic surprise and thus constitutes a factor of concerns for the NATO, especially as Turkey is a key member of the Atlantic alliance. A diplomatic swing is no longer excluded for political reasons.
Si la crise a longuement été étudiée, elle l’a davantage été comme une notion que comme un concept. En outre, lorsque le théoricien s’est attaché à définir la crise, il l’a préalablement rattachée à la guerre. La crise était seulement une phase ante bello et non une forme de conflictualité autonome et s’inscrivait dans le champ de la polémologie à défaut d’une expertise totalement indépendante. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, la multiplication des travaux sur la crise, le développement d’une littérature propre et d’une crisologie en devenir, tendent à consacrer pleinement la crise comme objet d’étude à part entière. Pourtant, il reste encore difficile de placer la crise dans le continuum clausewitzien entre la guerre totale et la paix. La crise reste très liée à la guerre et son autonomie conceptuelle paraît toute relative. C’est justement l’enjeu de cette étude, revenir sur l’autonomie progressive du concept de crise et questionner son effectivité.
D’une phase ante bello à un moment de conflictualité à part entière : l’autonomie progressive de la crise
Si la guerre étatique n’a pas disparu, elle apparaît depuis la guerre froide comme une forme de conflictualité de moins en moins prégnante. L’équilibre nucléaire du système bipolaire, en empêchant un affrontement direct entre les États-Unis et l’URSS, a fait apparaître une forme de conflictualité prépondérante : la crise. Parce que la guerre – totale dans ses moyens – cesse d’être la continuation de la politique, la crise apparaît comme le moyen privilégié de mettre en œuvre cette même politique mais en créant des instabilités structurelles très fortes. Autrement dit, « lorsque la guerre est impensable… la crise est cette forme de violence retenue, d’affrontement inachevé, destinée à peser sur la détermination de l’autre pour le contraindre à renoncer à ses intérêts légitimes et obtenir de lui des concessions qui ne valent pas l’enjeu, et le risque de guerre totale » (cf. J.-L. Dufour). À défaut d’une guerre ouverte, les deux Grands multiplient les stratégies indirectes dans le tiers-monde, étendent leur sphère d’influence, organisent des opérations de guérillas ou de subversions, provoquant de nombreuses crises (1). La plus emblématique reste sans doute la crise des missiles de Cuba (1962) qui semble, à elle seule, consacrer la crise comme forme de conflictualité prépondérante lorsque la guerre interétatique est impensable. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’équilibre nucléaire du système bipolaire a été à la fois un facteur de stabilité empêchant le recours à la guerre totale et un facteur d’instabilité multipliant les foyers de crises et accroissant les vulnérabilités des grandes puissances.
La fin de la guerre froide n’a pas éconduit ce processus. Elle s’est au contraire accompagnée d’une recrudescence des crises internationales (2). De prime abord, cette multiplication ne semble pas fortuite. Après tout les crises internationales ont toujours existé et leur accroissement après un bouleversement du système international ne semble pas exceptionnel. Et pourtant ! Si la guerre froide à fait apparaître la crise comme forme de conflictualité prépondérante lorsque la guerre interétatique était impossible, l’après-guerre froide consacre la crise comme forme de conflictualité à part entière. Il s’agit là d’un changement paradigmatique. Désormais la crise n’est plus – seulement – pensée comme phase ante bello mais comme un moment de conflictualité autonome. Autrement dit la crise n’est pas seulement le « seuil de la guerre », correspondant à une situation de montée des tensions et des incertitudes, mais elle est une forme choisie ou non par les États afin d’établir une politique donnée. Nombre de crises constituent davantage des événements ou processus autonomes que des préludes à un conflit armé. Plusieurs conséquences découlent de ce changement paradigmatique. D’abord la négociation et la gestion de crise deviennent de véritables politiques entre les mains des décideurs, à l’instar de la stratégie. Ensuite, parce que la crise est une forme de conflictualité à part entière, celle-ci peut être gagnée si elle est bien gérée ou perdue dans le cas inverse alors que, jusqu’à présent, on ne pouvait gagner ou perdre que la guerre. Enfin l’appréhension de la crise devient autonome par rapport à la guerre, toutes deux renvoyant à des stratégies connexes et indépendantes.
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