La défense européenne redevient une priorité politique alors que le contexte géopolitique s’est fortement dégradé. Si le bilan est aujourd’hui modeste, il faut désormais un sursaut en considérant que le déni aboutirait à un désastre et à une marginalisation de l’Europe.
Défense européenne : bilan et perspective
European Defence: Achievements and Perspectives
European defence is once again becoming a political priority, given a severely degraded geopolitical context. Though there have been modest achievements to date, there now needs to be a burst of effort, since denial would lead to disaster and marginalisation of Europe.
La défense européenne devient un thème à la mode : « l’Europe peut se refonder par la défense » écrit le président François Hollande dans une interview au journal Le Monde en mars 2017 ; l’Europe cherche à construire « une Union de sécurité et de défense » explique Jean-Claude Junker, le président de la Commission ; last but not least, la création d’un mini QG européen, longtemps tabou du fait du veto britannique, vient même d’être actée par le Conseil des ministres des Affaires étrangères du 6 mars.
Cette embellie est d’autant plus remarquable que la politique européenne de défense commune était restée, depuis sa création en 1999, une politique modeste, discrète, quasi invisible et souvent cause de dissensions profondes entre les États-membres. Quelles sont donc les raisons de ce renouveau ? Est-il sérieux ? L’Union européenne va-t-elle devenir un acteur stratégique efficace et influent ?
Un bilan modeste
Rappelons d’abord l’héritage. Il est fait de contraintes lourdes. D’une part, la primauté des souverainetés nationales, autrement dit le refus de toute intégration permanente des structures ou des capacités militaires mises au service de l’UE, et le refus de décisions prises à majorité qualifiée : le veto d’un seul suffit donc à paralyser l’action de tous. D’autre part, la primauté de l’Otan pour la défense de l’Europe : même si le Traité de Lisbonne inclut une clause d’assistance mutuelle, celle-ci est de facto déléguée à l’Otan par tous les pays membres, France comprise. Lorsque la menace soviétique était collective et majeure, il n’y avait nulle place pour une autonomie stratégique de l’UE. Depuis la disparition de l’URSS et l’avènement de menaces multiples et multiformes, c’est la même chose : dans l’incertitude maximale qui définit désormais la sécurité européenne, c’est encore l’Otan qui apparaît aux yeux d’une majorité d’Européens comme la meilleure des protections. Troisième contrainte enfin, les divergences de vues entre États-membres sur le rôle et la finalité de l’Europe dans le monde : une opposition historique entre la France et la Grande-Bretagne marqua les débats stratégiques européens, la première favorable à une Europe puissance politique, crédible et autonome en matière de politique étrangère et de défense ; la seconde hostile à tout ce qui pourrait éloigner la construction européenne de son statut de grand marché et l’ériger en acteur politique capable de faire de l’ombre à la puissance américaine.
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