L’idée de surprise stratégique est en vogue. Or, l’étude des faits montre qu’il s’agit d’une défaillance de l’intelligence stratégique, incapable de comprendre et d’analyser des signaux précurseurs. Les derniers conflits ont démontré la difficulté à réfléchir à l’après-conflit, source des désastres politiques en Irak, notamment.
Surprise stratégique ou défaillance de l’intelligence stratégique
Strategic Surprise or Failure of Strategic Intelligence
The concept of strategic surprise is much in vogue, and yet examination of the facts shows that it is a failure of strategic intelligence, thus an inability to understand and analyse precursor signs. Recent conflicts have demonstrated the difficulty of thinking about the post-conflict period, which is currently, and notably a source of political disaster in Iraq.
Dans une relation conflictuelle, ou qui risque de le devenir, chacune des parties, chacun des belligérants, a la volonté de percer les intentions de l’autre, de le devancer, de bousculer ses forces, afin d’obtenir par les armes – au moindre coût pour lui-même – ce qu’il n’a pas pu obtenir par d’autres moyens.
On parle alors de « surprise stratégique ». Celui qui en est l’auteur y a recours afin d’obtenir un avantage décisif. Selon Clausewitz, la « surprise devient par conséquent le moyen d’acquérir la supériorité… Lorsqu’elle réussit, elle sème la confusion et brise le courage de l’ennemi ». Ceux qui travaillent sur ces questions affirment que la surprise est « consubstantielle au domaine conflictuel » (cf. V. Desportes). S’il en était ainsi, il ne resterait plus qu’à y faire face, notamment, par une grande capacité d’adaptation, par la « résilience ». Seraient des « surprises stratégiques », l’opération Barbarossa, l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, la chute du mur de Berlin, les attentats du 11 septembre 2001, etc. En réalité, dans la très grande majorité des cas, il s’agit d’une défaillance de l’intelligence stratégique.
Un échec de la veille stratégique
L’expérience qui inhibe l’intelligence
Il ne s’agit pas de faire preuve de lucidité a posteriori, mais de constater que ceux qui étaient en charge de la protection de leur pays n’ont pas respecté l’obligation de moyens. La France aurait été victime d’une « surprise stratégique » en 1940, parce que les Allemands sont passés par la « trouée des Ardennes » et non là où on les attendait, le long de la « ligne Maginot »… L’une des fautes les plus graves commise par les stratèges en général, consiste à penser les conflits du futur exclusivement à l’aune des conflits du passé. La « ligne Maginot » est l’une des illustrations de cet enfermement dans une seule hypothèse. On donne ainsi à l’adversaire le monopole de la « surprise stratégique ».
S’agissant plus précisément de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle avait publié La France et son armée (1938) et Vers l’armée de métier (1934), ouvrages dans lesquels il décrivait la nature des prochains conflits et les moyens modernes qui seront mobilisés. Il n’a pas été entendu.
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