Le porte-avions est-il toujours d’actualité ? Le débat mérite d’être posé d’autant plus que le coût d’un tel navire est important et qu’il convient de faire un choix posé et argumenté en considérant d’autres options.
Le mythe du porte-avions
The Aircraft Carrier Myth
Is the aircraft carrier still needed today? The issue merits debate, especially given the high cost of the ship and the need to make an analysed and well-argued choice that also considers other options.
« Lorsque nous croyons tenir la vérité par un endroit, elle nous échappe par mille autres »
Vauvenargues
« Crois-tu donc que le devoir ait peur de parler, quand la puissance cède à la flatterie »
Le Roi Lear, Shakespeare
Aucun homme politique, a fortiori s’il est président de la République ou Premier ministre, aucun journaliste, ni aucun citoyen, ne peut résister à la beauté du spectacle d’un pont de porte-avions en pleine activité. Un spectacle où, dans le fracas des réacteurs, se succèdent avec une précision d’horloger catapultages et appontages, avec en toile de fond la beauté profonde de la haute mer. Ce spectacle aérien suscite chez le spectateur une impression de force et de puissance renforcée par le sentiment donné par l’incroyable maîtrise professionnelle dont font preuve tous les acteurs. Chaque appareillage du Charles-de-Gaulle constitue une sorte de rituel politico-médiatique salué par de grandes envolées lyriques qui célèbrent la dimension unique que cet événement donne à l’engagement de la France non seulement en termes de projection de puissance, mais aussi parce que le porte-avions est une plate-forme stratégique qui nous distingue en marquant notre appartenance au « premier cercle » des puissances militaires.
Néanmoins, au moment où le Charles-de-Gaulle entre en arrêt technique majeur (ATM) pour dix-huit mois, ce qui coûtera au budget de la Défense 1,3 milliard d’euros et où fleurissent, à la veille d’une élection présidentielle, les articles soulignant le rôle majeur du porte-avions non seulement pour notre stratégie navale, mais aussi pour le rayonnement de notre pays sur la scène internationale, il est temps de mesurer ce qui va manquer réellement à la France durant cet ATM. En effet, personne ne se pose la question de savoir si derrière cette mise en scène du capital ship de la Marine française, il reste encore quelque chose qui atteste d’une réelle capacité à influencer des choix politiques, à modeler un environnement stratégique ou à peser sur une réalité opérationnelle. Personne ne se demande si, dans le contexte stratégique du XXIe siècle, le porte-avions par sa vulnérabilité, son coût ne serait plus qu’un symbole de puissance ou plutôt une fiction de puissance. En fait, le porte-avions est un peu comme le roi Lear, abandonné de tous, ayant perdu sa couronne, il est terriblement vulnérable. On sait comment finit le personnage de Shakespeare. Devenu fou, il erre dans la lande avant de mourir misérablement sur le corps de sa fille. Souhaitons que le porte-avions, qui est aussi vulnérable aujourd’hui que le roi Lear, n’emporte pas avec lui ce qu’il reste de puissance militaire à la France.
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