La question du nucléaire militaire se pose pour le Japon face à ses voisins aux ambitions croissantes. Si technologiquement Tokyo serait en mesure de se doter rapidement de l’arme atomique, politiquement les réticences sont très fortes. L’opinion japonaise y reste viscéralement hostile.
Prolifération nucléaire et néoréalisme : les tentations du Japon face à la Chine et à la Corée du Nord
Nuclear Proliferation and neo-Realism: Japanese Temptations in the face of China and North Korea
Japan is looking again at the question of military use of nuclear power, given the growing ambitions of its neighbours. Though from a technological standpoint Tokyo would appear to be in a position to acquire atomic weapons rapidly, politically there is considerable reticence: Japanese public opinion remains fundamentally hostile to the issue.
Seul pays à avoir été victime d’une frappe nucléaire, le Japon possède depuis lors une réputation de pacifisme et d’hostilité à l’arme atomique. Cela est d’ailleurs retranscrit dans les « trois principes non nucléaires » du pays explicités par le Premier ministre Sato Eisaku en 1967 : ne pas fabriquer, posséder ou introduire d’armes nucléaires sur le territoire japonais. *
Cela n’empêche pas le pays d’être placé sous la protection du « parapluie nucléaire » des États-Unis, depuis le Traité de coopération mutuelle et de sécurité de 1960. Ces accords ont été renouvelés et renforcés en 2013, dans un contexte régional tendu. D’abord, des conflits territoriaux avec la Chine (îles Senkaku-Diaoyu, îlots artificiels), la Corée du Sud (îles Dokdo-Takeshima) et la Russie (îles du Sud de l’archipel des Kouriles) ont été ravivés par des incidents diplomatiques et militaires et s’enveniment, parfois dans la violence. Ensuite, la Corée du Nord a effectué, en septembre 2016, son cinquième essai nucléaire et a multiplié les provocations. Ces essais nucléaires répétés se doublent d’expérimentations de plus en plus complexes de vecteurs balistiques.
C’est dans ce contexte qu’a été élu Shinzo Abe fin 2012 sur la base d’un discours nationaliste et ferme, notamment en termes de politique étrangère. Il multiplie les signaux vers le durcissement de la posture militaire nippone. Le Premier ministre a notamment précisé sa pensée à l’occasion de la campagne présidentielle américaine. Certes, répondant à Donald Trump qui suggérait que la Corée du Sud ou le Japon développent un arsenal nucléaire, Abe a réaffirmé son attachement aux principes non nucléaires. Cependant, il a au passage nié que cette position politique découlait d’une obligation constitutionnelle, citant l’ancien Premier ministre Takeo Fukuda (1978) : « Even if it involves nuclear weapons, the constitution does not necessarily ban the possession of them as long as they are restricted to such a minimum necessary level » (cf. J. Glum). Cette déclaration politique doit être lue en rappelant que le Japon serait très probablement, et dans l’absolu, capable de développer une filière nucléaire militaire en seulement quelques années (cf. K. M. Campbell, R. J. Einhorn, M. B. Reiss ; J. Lewis).
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