Atlas des guerres à venir – Les conflits du futur en 60 cartes
Atlas des guerres à venir – Les conflits du futur en 60 cartes
Philippe Fabry, historien du droit, nous livre un essai étonnant de prospective polémologique sur les conflits à venir dans le premier quart du XXIe siècle. Blogueur, essayiste, chargé d’enseignement à l’université Toulouse 1 Capitole, l’auteur est féru d’histoire antique. Son livre Rome, du libéralisme au socialisme lui avait valu en 2014 le prix Turgot du jeune talent.
Appliquant sa théorie de ce qu’il appelle l’Historionomie (mise en évidence de cycles historiques longs, répétitifs et interactifs), Philippe Fabry convoque l’histoire des grands empires occidentaux pour tenter d’identifier les lignes de force des conflits à venir. Ses travaux ne sont pas sans rappeler ceux de Philippe Richardot sur l’évolution des empires. En une centaine de pages, l’auteur s’interroge sur l’interaction des ambitions américaine, russe, chinoise, turque, iranienne et djihadiste. Il brosse à grands traits, en cinq parties successives, ce que pourrait être une troisième guerre mondiale qui débute entre la Chine et l’Inde pour se poursuivre en Europe et au Moyen-Orient. Pour lui, cette « Première guerre civile mondiale » s’achèverait au bout de cinq ans par une victoire globale des États-Unis et de la Turquie, suivie du démembrement de la Russie, de la Chine et de l’Iran. Bien évidemment, la démonstration peut d’autant plus facilement être battue en brèche que la démarche de l’auteur souffre de nombreuses failles historiographiques, méthodologiques, scientifiques et philosophiques (le déterminisme historique reste un concept très controversé, tout comme la mise en équation de l’histoire). De même, nombre de ses présupposés sont contestables : non-utilisation de l’arme nucléaire (notamment par l’Inde qui s’y refuse face à la Chine), retrait britannique du jeu, capitulation de l’Inde face à la Chine, supériorité de la Turquie face à l’Iran, fusion Japon-Corée du Sud…
À l’inverse des travaux prospectifs de Jacques Attali, Philippe Fabry se concentre sur les seules données démographiques, géographiques et militaires, ignorant les dimensions sociétales, politiques, psychologiques et économiques des acteurs étudiés. S’il connaît bien l’histoire occidentale, il ne maîtrise manifestement ni celle de l’Asie, ni celle du Moyen-Orient, ce qui l’amène à des postures erronées qui biaisent sa démonstration. Sa description détaillée de ce que pourrait être une guerre entre la Russie et l’Otan (cartes opérationnelles à l’appui) est en revanche très intéressante, tout comme sa démonstration visant à convaincre le lecteur que l’Occident – et tout particulièrement l’Europe – se trouve aujourd’hui à la fin d’un cycle et à la veille d’importantes ruptures impactant l’art de la guerre. La manière dont il décortique « l’impérialisme revanchard » paraît également assez convaincante. Au bilan, un ouvrage indéniablement stimulant à lire avec la prudence et le recul nécessaires. ♦