L’Occident vu de Russie - Anthologie de la pensée russe de Karamzine à Poutine
L’Occident vu de Russie - Anthologie de la pensée russe de Karamzine à Poutine
« Il est difficile de citer un penseur français, jusqu’aux plus récents et aux plus abstrus, qui n’ait été traduit en russe. Mais combien de penseurs russes, du XIXe siècle à nos jours, sont accessibles en français ? », remarque Michel Niqueux, professeur émérite de l’Université Caen-Normandie. Cette anthologie, publiée sous sa direction, remédie à cette lacune d’une manière définitive. Qu’on en juge : 365 textes de 140 auteurs différents, avec deux tiers de traductions inédites, soit près de 800 pages !
C’est sous le règne de Nicolas Ier (1825-1855) que se constituent les deux grands courants antagonistes (occidentalistes contre slavophiles) qui divisent la société russe jusqu’à aujourd’hui. La Russie est-elle un pays européen auquel il suffirait de rattraper le retard économique et culturel qu’elle aurait sur l’Europe de l’Ouest (« la partie civilisée de l’Europe » écrivait Clausewitz dans son De la guerre) ou est-elle au contraire un pays fondamentalement différent destiné, à terme, à devenir un modèle face à un Occident décadent ? Cette réflexion sur la place de la Russie face à l’Europe se poursuit sans interruption, avec souvent les mêmes arguments, depuis le début du XIXe siècle. L’anthologie publiée par Michel Niqueux nous donne tous les éléments du débat, de Karamzine (1766-1826), l’un des premiers historiens russes, jusqu’à Alexandre Douguine, en passant par Pouchkine, Tourguenieff, Danilevski, Tchaadaev, Leontiev, Berdiaev, Ilyine et de nombreux autres. « Une dimension importante… du rapport Russie-Occident, est sa dimension psychologique, relève Michel Niqueux. Ce complexe d’infériorité se change naturellement en complexe de supériorité, plus ou moins vantard et méprisant à l’égard de l’Occident. Ce n’est pas tant en termes de géopolitique que les relations de l’Occident avec la Russie devraient se construire, qu’avec l’aide de la psychologie politique, encore trop ignorée. Encore faut-il avoir le même bagage de connaissances que son interlocuteur ». Gageons que cette somme imposante, qui s’impose déjà comme un ouvrage de référence, y contribuera efficacement. ♦