L’Organisation des Nations unies, dont Moscou souligne sans relâche la centralité dans la vie internationale, joue depuis le début des années 1990 un rôle essentiel dans la diplomatie de la Russie. Sa conception du multilatéralisme nous interroge sur l’influence de sa politique menée dans le monde et sur le système international.
Les Nations unies, un multiplicateur d’influence pour la Russie
The United Nations – Enhancing Russian Influence
The United Nations Organisation has had an essential place in Russian diplomacy since the beginning of the nineteen-nineties, and its central position in international relationships is continually underlined by Moscow. The Russian concept of multilateralism raises questions on the degree to which Russia influences the world and the international system.
Les organisations internationales, qu’elles soient universelles ou régionales, jouent depuis le début des années 1990 un rôle essentiel dans la diplomatie de la Russie. C’est en particulier le cas de l’Organisation des Nations unies (ONU), dont les autorités russes soulignent sans relâche la centralité dans la vie internationale. Elle est, déclare Vladimir Poutine le 28 septembre 2015 à New York, « une structure sans égale en termes de légitimité, de représentativité et d’universalité ». Il ajoute que « les tentatives visant à saper l’autorité et la légitimité de l’ONU (…) pourraient conduire à l’effondrement de toute l’architecture des relations internationales. Auquel cas ne subsisterait plus aucune règle, si ce n’est la loi du plus fort ». L’objet de cet article est d’identifier les facteurs explicatifs de l’attention particulière que lui apporte Moscou, de tenter d’appréhender ce qu’elle nous dit de la conception russe du multilatéralisme et de nous interroger sur l’impact de la politique menée par la Russie sur l’influence qu’elle exerce dans le monde et sur le fonctionnement du système international.
Un investissement important
La Russie est très engagée dans la nébuleuse onusienne. Elle est membre des principaux organes de l’ONU (Assemblée générale, Conseil de sécurité, Conseil économique et social, Conseil de tutelle, Cour internationale de justice), de la plupart de ses autres organes permanents (Conférence du désarmement) et électifs (elle a été membre jusqu’à une date récente de la Commission puis du Conseil des droits de l’homme). Elle l’est aussi de nombre de ses institutions spécialisées, dont l’UNESCO, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Et elle fait partie, bien qu’à un niveau modeste, des grands contributeurs à son financement. En 2016, elle est le neuvième à son budget ordinaire avec une quote-part de 3,08 %, en augmentation mais très inférieure à celle des États-Unis (22 %), du Japon (9,7 %), de la Chine (7,9 %) et des grands États européens. La même année, elle est le septième au budget des opérations de maintien de la paix (4,01 %), derrière les États-Unis (28,6 %), la Chine (10,3 %) ou la France (6,3 %). Elle participe en outre à des degrés divers au financement de plusieurs agences et organes onusiens : en 2016, elle est le 19e contributeur du Programme alimentaire mondial (PAM) et le 25e du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
La Russie est de ce fait très présente dans le monde onusien. Outre à New York, elle l’est à Paris (UNESCO) et, surtout, à Genève et à Vienne, où ses missions permanentes comptent chacune plusieurs dizaines de diplomates. Des Russes ont en outre continûment occupé de hautes fonctions dans l’appareil de l’ONU : celle de Secrétaire général adjoint de 1949 à 1993, celle de directeur général de l’Office des Nations unies à Genève de 1993 à 2011. Autre signe de l’importance des Nations unies : comme Andreï Kozyrev, ministre des Affaires étrangères de 1990 à 1996, l’actuel ministre Sergueï Lavrov a fait la plus grande partie de sa carrière dans le département des organisations internationales du MID (le ministère russe des Affaires étrangères) et à New York – il a été représentant permanent à l’ONU de 1994 à 2004, avant d’être nommé à la tête du MID.
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