Unies par une même opposition à la politique des États-Unis, la Chine et la Russie ont développé un partenariat actif, économique et stratégique. Les échanges progressent, entre les ressources russes et les besoins chinois, mais l’évolution de ce partenariat dépendra de la nature des relations avec un pôle américain dominant.
La relation russo-chinoise à l’ombre de la nouvelle Administration américaine
Sino-Russian Relationships Overshadowed by the new US Administration
United by opposition to the policies of the United States, China and Russia have developed an active economic and strategic partnership. There is increased trade between them—in particular, Russian resources feeding Chinese needs—and yet further development of this partnership will depend on the nature of their relationships with a dominant United States.
L’élection de Donald Trump et l’évolution de la politique chinoise des États-Unis en Asie accroissent la complexité des relations entre Moscou, Pékin et Washington. La nomination de Rex Tillerson au poste de secrétaire d’État, la multiplication des déclarations de responsables américains hostiles aux intérêts de Pékin, de Taiwan à la mer de Chine du Sud, ont pu crédibiliser l’hypothèse d’un nouveau jeu triangulaire que les États-Unis pourraient mettre en place en se rapprochant de Moscou, pour mieux contrôler la République populaire de Chine (RPC), dans un renversement des choix stratégiques des années 1970 (1). Mais, en raison des rivalités de factions au sein de l’appareil d’État américain, la situation se révèle bien plus complexe que prévu, comme le notait Serguei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, au mois de mars 2017 (2). C’est donc à l’ombre d’une puissance américaine qui inquiète, mais dont l’imprévisibilité peut aussi ouvrir de nouvelles opportunités, qu’évolue la relation sino-russe.
Un partenariat stratégique très actif entre la Chine et la Russie
On a pu le qualifier d’« axe de convenance », ce qui semble en réduire la portée, mais le partenariat sino-russe est très actif (3). Entre 2005 et 2016, la Russie et la Chine ont échangé plus de 80 visites à tous les niveaux et, depuis 2012, Xi Jinping et Vladimir Poutine se sont rencontrés à 19 reprises (4). Les analystes chinois se plaisent à souligner que, depuis 2014, les relations sino-russes sont à leur plus haut niveau historique (5). Selon Pékin, qui fait écho aux positions russes sur le même sujet, la Chine et la Russie travaillent ensemble sur les affaires régionales et globales, et, contrairement aux États-Unis, devenues imprévisibles depuis l’élection de Donald Trump, seraient désormais les premiers garants de la stabilité mondiale (6).
Un exemple de cette coopération concerne la péninsule coréenne. Selon l’agence de presse chinoise Xinhua, le déploiement du système de défense antimissile américain THAAD en Corée du Sud constitue un enjeu de première importance, qui menace directement les intérêts chinois (7). Moscou et Pékin partagent une même opposition au déploiement des systèmes antimissiles, en Europe ou en Asie, et dénoncent « l’accumulation d’armes » dans la péninsule coréenne comme unique réponse à la volonté de développement des capacités nucléaires et balistiques de la Corée du Nord (8). Dans un communiqué commun destiné à souligner la proximité de leurs analyses face à l’adversaire américain, Moscou et Pékin ont appelé à « éviter tout renforcement des alliances militaires et politiques existantes et le déploiement de systèmes de défense antimissile en Asie et en Europe » à l’occasion de la visite du président Poutine à Pékin au mois de juin 2016 (9). Pour contrer le déploiement du système de défense antimissile THAAD en Corée du Sud, Pékin et Moscou ont adopté des contre-mesures plus concrètes destinées à « préserver les intérêts de la Chine et de la Russie, ainsi que les équilibres stratégiques régionaux » (10). Les premiers exercices communs antimissiles Aerospace Security ont été organisés à Moscou en 2016 et seront renouvelés en 2017. Selon un analyste militaire à Pékin, « ces exercices doivent servir d’avertissement aux États-Unis » (11).
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