Trois ans après l’annexion de la Crimée, la péninsule peut apparaître comme une forteresse sous le quasi-contrôle des forces armées de la Russie. Ce territoire, pièce maîtresse du système de défense de l’Union soviétique, semble avoir retrouvé ce rôle. Cette mainmise pose un véritable défi stratégique pour l’Otan.
L’évolution de la présence des forces armées russes en Crimée depuis 2014
Changes in Russian Armed Forces in the Crimea since 2014
Three years after the annexation of the Crimea, the peninsula has taken on the appearance of a fortress apparently under the control of the Russian armed forces. This territory, once a key element in the Soviet Union’s defence organisation, would seem to playing the same role once more. This stronghold is posing a real strategic challenge for NATO.
On a parfois résumé les motivations russes en Crimée à la quête pluriséculaire d’un port en eau profonde avec accès aux mers chaudes. Le renforcement du dispositif russe sur cette forteresse naturelle est suffisamment significatif pour, d’une part dissuader l’Ukraine de reprendre par la force la péninsule, et d’autre part constituer un point fort dissuasif à portée des pays de l’Otan, à l’instar de l’enclave de Kaliningrad. Si les installations de Sébastopol ont assurément une haute valeur, d’autres facteurs militaires expliquent l’intérêt stratégique de la Crimée. Ils relèvent de trois domaines, où se concentrent les investissements et les efforts des pays souhaitant se doter d’outils militaires crédibles : les boucliers antimissiles, la maîtrise de l’espace aussi bien aérien qu’électromagnétique, voire maritime, et les missiles de croisières.
Un arrangement difficile après l’effondrement de l’Union soviétique
La présence des forces armées russes en Crimée a fait l’objet de difficiles négociations entre l’Ukraine et la Fédération de Russie lors de la dislocation de l’Union soviétique. Alors dans une position fragile, la Russie a dû accepter non seulement le maintien de la Crimée au sein de l’Ukraine désormais indépendante, mais surtout de la souveraineté de cette dernière sur la ville de Sébastopol. Ville martyre de la Seconde Guerre mondiale et quartier général de la Flotte de la mer Noire, elle jouissait à l’époque soviétique d’un statut spécial, au même titre que Moscou et Leningrad, y compris après le rattachement de la Crimée à la République socialiste soviétique d’Ukraine en 1954.
Un premier accord fut signé le 3 août 1992 près de Yalta, en Crimée, entre les présidents Boris Eltsine et Leonid Kravtchouk, afin de régler par étapes le sort de la Flotte de la mer Noire. Il fut suivi le 9 juin 1995 par la signature d’un accord entre Boris Eltsine et Leonid Koutchma sur le principe d’implantations séparées pour les Forces navales ukrainiennes, d’une part et pour la Flotte de la mer Noire de la Fédération de Russie, d’autre part. Sébastopol fut alors confirmée comme base principale de la Flotte russe, et les bâtiments furent partagés entre l’Ukraine (18 %) et la Russie (82 %), quelques rares unités revenant également à la Géorgie. Le 28 mai 1997, trois nouveaux accords furent signés à Kiev entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. Ils portaient sur les termes du partage de la Flotte de la mer Noire ainsi que sur le statut et les conditions du maintien de la Flotte russe de la mer Noire en Crimée. L’Ukraine a ainsi consenti un bail de vingt ans à la Russie pour l’utilisation des infrastructures portuaires, des terrains et des baies, non seulement à Sébastopol, mais également dans le reste de la Crimée. En contrepartie, la Russie s’engageait à payer un loyer annuel de 98 millions de dollars, le bail devant s’achever en 2017 ; elle acceptait également de limiter sa présence militaire globale en Crimée à 25 000 hommes, 24 pièces d’artillerie de plus de 100 mm, 132 blindés, 161 aéronefs, dont 22 avions de combat, et à 388 embarcations de toute taille.
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