Pour la Russie, l’éducation patriotique est aujourd’hui un élément indispensable dans la « guerre » hybride. Le retour de l’éducation patriotique dans les écoles – selon les méthodes soviétiques – est certes antérieur à cette crise des relations avec l’Occident, mais celle-ci lui donne un nouveau sens.
L’éducation patriotique et militaire, un avatar de l’époque soviétique ?
Patriotic and Military Education—a Return to the Soviet Era?
Patriotic education is for Russia an essential element in the hybrid war. Whilst the return of Soviet-style patriotic education in schools pre-dates current relationship crises with the West, the latter give it renewed sense.
En mars 2017, le chef de l’état-major russe Valery Guerassimov affirmait que la victoire dans une guerre n’est pas seulement une affaire de ressources matérielles, mais aussi de ressources « spirituelles », de degré de solidarité du peuple et de sa volonté de s’opposer à une agression. La Russie devrait ainsi accorder autant d’attention au volet « hybride » de sa défense qu’au volet militaire. Outre les moyens économiques et informationnels, ce volet comprend, selon Guérassimov, le renforcement de la confiance entre la société et l’armée, le perfectionnement du système de formation des militaires ainsi que l’éducation patriotique de la jeunesse russe (1).
Depuis le début de la confrontation entre la Russie et les pays occidentaux, conséquence de l’annexion de la Crimée par Moscou, la presse officielle et les revues militaires russes abondent en articles qui dénoncent les tentatives occidentales d’exercer une influence sur la société russe et qui appellent à y résister en renforçant le « travail patriotique », avant tout auprès des jeunes. Le retour de l’éducation patriotique dans les écoles – qui reprend largement les méthodes et les formes soviétiques – est en réalité antérieur à cette crise même si celle-ci lui donne un nouveau sens et une intensité plus forte. Verticale, stato-centrée et fortement militarisée comme à l’époque soviétique, l’éducation patriotique ne semble cependant pas avoir en Russie contemporaine la même portée et le même impact.
Les nouveaux oripeaux des organisations de jeunesse soviétiques
L’éducation patriotico-militaire était pleinement intégrée aux cursus éducatifs à l’époque soviétique. La chute de l’URSS l’a vidée de sa substance idéologique et l’a fait disparaître du système d’enseignement. Pourtant, son retour s’opère dès la fin de la présidence de Boris Eltsine, et la tendance s’amplifie avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine dans le contexte de la deuxième guerre de Tchétchénie. Les principes et les formes bien connus à l’ère soviétique sont alors largement repris. Dès fin 1999, les cours de préparation militaire initiale (NVO – nacal’naâ voennaâ podgotovka) sont réintroduits dans les écoles pour les jeunes de quinze à dix-sept ans. Dix ans plus tard, à la fin de l’année 2009, le DOSAAF (Société bénévole d’assistance à l’armée, l’aviation et la flotte) renaît sous son ancienne appellation. Son Conseil de surveillance est présidé par le ministre de la Défense Sergueï Choïgou. Comme à l’époque soviétique, cette organisation est chargée de l’entraînement militaro-sportif et de l’éducation patriotique des jeunes (à partir de quatorze ans) dans le but déclaré de contribuer au renforcement de la capacité de défense et de la sécurité nationale. Selon les données du ministère russe de la Défense, sur les 147 000 appelés de l’automne 2015, 19 000 avaient déjà suivi une formation militaire par l’intermédiaire du DOSAAF. Enfin, dès le milieu des années 2000, le « chefstvo », ou le patronage des unités militaires sur les écoles, revient à l’ordre du jour : l’établissement d’un lien étroit est censé permettre aux enfants de mieux connaître l’armée et de susciter des vocations militaires.
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