Depuis les années 2000, de nombreuses tensions ont émergé entre la Russie et l’Europe, aux visions différentes, traduisant les difficultés de Gazprom dans son adaptation aux nouvelles règles concurrentielles de l’UE. Même si elle a du mal à se concrétiser, la stratégie de diversification des exportations vers l’Asie semble la réponse stratégique.
La politique gazière de la Russie en Europe et en Asie
Gas Politics Between Russia, Europe and Asia
Numerous tensions have emerged since the early 2000s between Russia and Europe as a result of differences in vision, an example being the difficulty of Gazprom to adapt to the competition rules of the European Union. Although it has not been easy to set in place, diversification of exports to Asia would appear to be the strategic response.
Les industries des hydrocarbures de la Russie sont des secteurs clés de l’économie du pays. L’Union européenne (UE) a de tout temps constitué le marché d’exportation privilégié de la compagnie gazière russe Gazprom, détentrice du monopole des exportations russes par gazoducs. Mais la réforme économique, juridique et institutionnelle du marché européen suppose des évolutions de la stratégie de Gazprom, notamment face à l’arrivée potentielle de nouveaux concurrents, tel le gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis. Gazprom, entreprise verticalement intégrée qui détient le monopole d’exportations de gaz naturel vers l’Europe, est-il en mesure de préserver sa part de marché en Europe ? Cette part de marché semble en effet être l’objectif stratégique de la compagnie, mais aussi celui de l’État russe, actionnaire principal de Gazprom.
Plus largement, et au-delà des enjeux économiques de court terme et du contexte politique difficile, les conflits entre l’UE et la Russie dans le domaine du gaz sont le produit de visions différentes, voire contradictoires, sur la manière de réguler et d’organiser les industries gazières. À la structure de gouvernance concurrentielle des marchés gaziers de l’UE s’oppose la structure de gouvernance hybride (marchés régulés assortis de segments concurrentiels) portée par la réforme russe depuis le début des années 2000. De ce point de vue, le développement des échanges gaziers entre la Russie et l’Asie, et plus spécifiquement la Chine, qui s’appuie sur des complémentarités et des convergences institutionnelles fortes, correspond mieux à la structure défendue par Moscou. La « stratégie asiatique » de la Russie et de Gazprom ne peut ainsi s’appréhender sans référence aux évolutions du marché gazier européen.
L’organisation des marchés gaziers, source de tensions et de contradictions
Au-delà des deux crises gazières Russie-Ukraine qui ont conduit à de brèves interruptions des livraisons à l’UE, les tensions entre la Russie et l’Europe depuis les années 2000 sont le produit de conflits de régulations majeurs et d’organisation des marchés. S’inscrivant dans une approche néo-classique, la question de la sécurisation de l’approvisionnement gazier de l’UE est principalement appréhendée par les responsables européens en termes de défaillances du marché (1). Ces imperfections sont de deux ordres. D’une part, elles tiennent à l’incomplétude de la réforme de libéralisation, les fournisseurs extérieurs de l’UE n’étant pas concernés par le nouveau cadre réglementaire de l’UE. D’autre part, elles sont liées au pouvoir de marché des entreprises, c’est-à-dire à leur capacité de par leur importance à manipuler les prix. Dans ce contexte, l’UE conçoit la gestion de sa sécurité énergétique au travers de l’exportation des normes, des règles et des modèles d’organisation européens à ses principaux fournisseurs.
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