Après 1991, la Russie a découvert des faiblesses qui découlaient de l’inadaptation des réseaux de transport de l’URSS. Ce qui représentait des atouts pour une nouvelle stratégie d’influence est apparu comme un piège pour les dirigeants russes qui ont pris la décision de modifier l’interface entre le pays et ses partenaires commerciaux.
Adapter les réseaux de transport eurasiens : réussites et défis
Adapting Eurasian Transport Networks: Successes and Challenges
From 1991 onwards, Russia uncovered numerous weaknesses that stemmed from the inadequacies of the USSR’s transport networks. What should have been a great advantage for a new strategy of influence was in fact an immense pitfall for Russian leaders, who took the decision to make changes to the interfaces between the country and its trading partners.
Au moment de la disparition de l’URSS, la Russie semble pouvoir profiter d’un acquis géostratégique forgé au cours des deux siècles précédents : tout en élargissant le territoire du pays au fil des conquêtes, le pouvoir, tsariste puis soviétique, a organisé l’ensemble des réseaux de transport autour des deux capitales, Saint-Pétersbourg et Moscou, à l’avantage des régions russes. Pourtant, très vite, il faut déchanter. Si la Russie se trouve effectivement en position dominante vis-à-vis de plusieurs des nouveaux États qui dépendent d’elle pour le transit de leurs exportations, les Russes eux-mêmes sont dépendants des anciennes républiques soviétiques occidentales pour leur commerce avec l’Union européenne (UE). Ce secteur reste un enjeu stratégique majeur, un véritable défi pour le Kremlin. Posées dès la présidence de Boris Eltsine, ces questions trouvent un début de réponse concret dans les politiques actives menées par Vladimir Poutine depuis son arrivée au pouvoir. Nous n’évoquerons pas ici la nécessaire mise à niveau des réseaux internes au territoire russe et nous nous concentrerons sur les aspects extérieurs.
Dès l’éclatement de l’URSS, en décembre 1991, chacune des anciennes républiques soviétiques devenues indépendantes proclame sa souveraineté sur les infrastructures de transport, ports, réseaux routiers et ferroviaires, tubes qui sont sur son territoire. La Russie conserve une part prépondérante de ces réseaux et un accès à toutes les mers bordières de l’URSS mais se voit confrontée à trois séries d’enjeux qui vont marquer durablement les rapports qui se constituent avec ce qu’on qualifie alors à Moscou d’« étranger proche ». Elle doit adapter certains axes aux nouvelles frontières tout en gérant la série de dépendances croisées qui en découlent tant avec les pays d’amont (ceux qui dépendent d’elle pour leurs exportations) que d’aval (ceux par qui transitent ses propres exportations).
Des réseaux partiellement inadaptés
Le premier groupe d’enjeux est lié à l’inadaptation entre certains réseaux et les nouvelles frontières d’État qui, lors de leur délimitation sous Staline, avaient été conçues comme de simples limites internes de la fédération. Sans même parler de la région de Kaliningrad, qui se retrouve en position d’exclave, plusieurs voies ferrées stratégiques russes passent désormais en territoire étranger : c’est le cas de la voie principale qui relie Moscou à Rostov et Sotchi par Koursk et l’Ukraine orientale, mais aussi du vieux Transsibérien, qui pénètre au Kazakhstan sur plusieurs dizaines de kilomètres. Sans doute les administrations respectives concluent-elles des accords de transit mais, dans le cas de l’Ukraine, on ne peut empêcher que les autorités de ce pays ne contrôlent les convois et passagers en transit. Bien avant la situation de crise au Donbass oriental, la décision est prise d’aménager une voie alternative passant entièrement en territoire russe, quitte à allonger ce trajet. Notons que dans la Stratégie de développement du transport ferroviaire présentée en 2007 par la direction des chemins de fer russes (RJD) figurent, parmi les « voies stratégiques » à développer d’ici 2030, l’achèvement de cette voie de dérivation contournant l’Ukraine mais aussi une voie alternative permettant d’éviter que tous les convois du Transsibérien ne passent en territoire kazakh.
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