L’inquiétude et les tensions sont au cœur des relations sécuritaires dans la région baltique. Les autorités des États baltes tirent la sonnette d’alarme suite aux évolutions de la politique étrangère et de sécurité russe. Face à la perception de cette menace grandissante, les autorités baltes réaffirment leur positionnement euro-atlantique.
Le positionnement stratégique des pays baltes face à la Russie
The Baltic States’ Strategic Position with Regard to Russia
Anxiety and tension underlie security relationships in the Baltic region. Authorities in the Baltic States have raised the alarm as a result of developments in Russian foreign and security policies, and have reaffirmed their Euro-Atlantic position in the face of what they perceive as a growing threat.
Quasiment trois décennies se sont écoulées depuis le rétablissement de l’indépendance de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie, les trois petits pays situés sur la rive orientale de la mer Baltique et à proximité immédiate de la Russie. Pendant cette période, ils ont réussi à passer du statut d’États post-soviétiques à celui d’États-membres de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan). Sur le plan de la sécurité et de la défense, cette période a été marquée par plusieurs séquences : la création des forces armées nationales à partir de quasiment rien au début des années 1990, l’affirmation et la consolidation de leur orientation euro-atlantique après le retrait des troupes russes en 1993-1994, l’intégration dans l’Otan et l’UE en 2004. Ces grandes étapes ont influencé les postures de défense des pays baltes, structurées tantôt autour des principes de la défense territoriale, donc axées sur la défense du territoire et des populations à l’intérieur des frontières nationales, tantôt autour de la défense et de la sécurité collectives, ce qui a impliqué une adaptation de leurs forces armées à la projection au-delà des frontières nationales (à l’exception toutefois de l’Estonie, qui a tenu à préserver le modèle de la défense territoriale totale, tout en développant des capacités de projection). L’accroissement des tensions régionales à partir de la fin des années 2000, incarnées notamment par le conflit autour du « soldat de bronze » en 2007 en Estonie et la guerre russo-géorgienne de 2008, et surtout les turbulences sécuritaires plus récentes à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 inquiètent considérablement les autorités baltes, les obligeant à réévaluer les menaces qui pèsent sur leurs pays et adapter les réponses en fonction de celles-ci.
Les postures de défense des pays baltes au lendemain des indépendances
Les choix des pays baltes en matière de politique de sécurité et de défense depuis la restauration de leur indépendance au début des années 1990 sont considérablement influencés par la méfiance envers la Russie, héritière de l’URSS à laquelle ils ont été incorporés contre leur gré en 1944, et par sa politique ambiguë à l’égard des États post-soviétiques. La perception qu’ont les autorités baltes de l’environnement sécuritaire au sein duquel leurs pays évoluent est également étroitement liée à la construction identitaire de ces États. De ce fait, deux éléments relatifs à la représentation et à la perception sont à prendre en compte dans l’appréhension des postures de défense des pays baltes. D’abord, la construction identitaire des pays baltes a été marquée par leur différenciation par rapport à la grande puissance régionale qu’est la Russie d’une part, et par l’identification avec la communauté occidentale d’autre part. Dans le discours stratégique, ces deux aspects se sont déclinés en deux champs discursifs séparés : le premier porte sur l’importance de la « menace russe » et le second sur le « retour en Europe » des pays baltes. Ensuite, le principe d’équilibre des puissances, c’est-à-dire la considération selon laquelle la paix est préservée tant qu’aucun État n’est en mesure de dominer les autres, semble caractériser la perception de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie concernant leurs relations avec Moscou.
En plus de ces aspects d’ordre cognitif, la réalité complexe dans laquelle se retrouvent les pays baltes au moment du rétablissement de leur indépendance sert également à éclairer leur positionnement stratégique et international. En effet, l’expérience de cinquante ans d’occupation soviétique, la proximité géographique avec le grand voisin russe et la présence de nombreuses minorités russophones (surtout en Estonie et en Lettonie, où elles constituaient respectivement 30,3 % et 34 % de la population en 1989) (1) ont contribué à créer un sentiment de méfiance à l’égard de la Russie. Ainsi, même si les pays baltes auraient pu théoriquement choisir de rester neutres, la perception d’une menace russe très présente conjuguée au constat de la faiblesse des capacités militaires nationales a débouché sur le développement de leur tropisme euro-atlantique.
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