Gagarine ou le rêve russe de l’espace
Gagarine ou le rêve russe de l’espace
Pendant le « règne » du truculent Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev eut lieu le premier vol habité dans l’espace, exploit que relate Yves Gauthier dans Gagarine ou le rêve russe de l’espace. En pleine guerre froide, avant de rencontrer John Kennedy à Vienne en juin 1961, Khrouchtchev, alors au firmament de sa gloire, veut frapper un grand coup et prouver la supériorité du régime socialiste, sur le capitalisme. N’a-t-il pas déclaré dès 1957 que l’URSS allait dépasser les États-Unis dans vingt ans ? Cette compétition qui se développe sur tous les plans a revêtu un caractère spectaculaire dans la course vers l’espace depuis que le pays des Soviets a lancé pour la première fois un satellite (sputnik en russe) le 4 octobre 1957, puis un animal, le chien Laïka, le 4 novembre 1957, premier être vivant envoyé dans l’espace.
L’étape suivante était de lancer le premier homme. Ce fut fait, lorsque le 12 avril 1961 date anniversaire de la mort de Roosevelt, un inconnu de vingt-sept ans, Youri Gagarine, réalisa l’un des rêves les plus fous de l’humanité. C’est cette aventure individuelle et collective que conte Yves Gauthier, né en 1961 l’année même de l’exploit. Tel un héros de conte populaire russe, l’ancien petit paysan devenu aviateur côtoie les tsars de son temps en exhibant son éternel sourire. Il a frappé le monde par son sens du récit, sa faculté de marier la concision, le souci d’objectivité et l’émotion, aussi est-il devenu l’icône du régime. Pourtant, il n’ignore rien des souffrances endurées par les protagonistes de la conquête russe de l’espace, en particulier par Sergueï Korolev (1907-1966), son mentor et père symbolique. Celui-ci a vite décelé les qualités de Youri : « Il y a chez lui un mélange de courage naturel, d’intelligence analytique et d’ardeur exceptionnelle au travail ».
Mis au secret jusqu’à sa mort, le concepteur du premier vaisseau spatial habité dut subir les affres du goulag, tenir tête à Staline, convaincre Khrouchtchev et prendre Kennedy de vitesse pour que Gagarine puisse enfin ouvrir le chemin du cosmos. Une première mouvementée, comme le prouvent nombre de documents déclassés auxquels se mêlent des témoignages inédits. Il n’est qu’à lire dans ces pages le rapport secret du cosmonaute pour revivre son aventure. D’abord bienveillant envers ce « Colomb de l’espace », le destin se retournera finalement contre lui. Encensé par son peuple, statufié de son vivant et instrumentalisé à son corps défendant par les dirigeants de son pays, Gagarine périra dans des circonstances dramatiques en mars 1968 où se mêleront le mystère, la fatalité et la coupable négligence de ses pairs. ♦