La Marine nationale suit avec attention les évolutions sociologiques touchant son personnel à cause des contraintes professionnelles. Celles-ci doivent être prises en compte, notamment à travers une meilleure reconnaissance par l’État et donc la nation elle-même.
Les conséquences des contraintes professionnelles sur l’engagement dans la Marine nationale
The Consequences of Professional Constraints on the Commitment of the Marine Nationale
The French Navy, the Marine Nationale, is closely following the sociological developments that affect its manpower because of constraints imposed by the profession. The latter need to be taken into account through better recognition by state bodies in particular and, more generally, by the whole nation.
La Marine nationale constitue aujourd’hui une singularité dans le monde militaire en ce qu’elle est la plus petite des armées françaises (1) et la plus puissante des marines européennes (2). Avec seulement 38 000 marins, elle se place au 5e rang mondial des marines militaires par le tonnage et arrive en tête des puissances navales en Europe par ses capacités, prochainement rejointe par la Royal Navy (3). Dynamique, très active (4), reconnue au niveau international grâce à une interopérabilité jamais égalée avec ses principaux alliés, elle est présente sur l’ensemble de l’éventail des opérations aéromaritimes et aéroterrestres (5). Celui-ci va de l’action de l’État en mer et la lutte contre les trafics illicites à la dissuasion nucléaire, en passant par la projection de puissance grâce au groupe aéronaval et à son porte-avions, et la projection de forces grâce à ses BPC. Présente dans les airs, sous l’eau, sur l’eau et sur la terre avec ses commandos marine, son cadre d’emploi est très étendu. Accompagnant les progrès techniques, elle adapte ses équipements aux nouvelles menaces et génère toujours plus de technicité pour maintenir sa crédibilité. Cette exigence d’excellence lui impose des choix technologiques souvent coûteux et un éventail de métiers toujours plus diversifiés, fruit d’un dispositif de génération de compétences qui allie souplesse et réactivité.
Écrit conjointement par deux officiers de marine et un universitaire sociologue spécialiste des armées, l’objectif de cet article est de s’attacher, dans ce contexte précédemment rappelé, à analyser d’un point de vue sociologique les évolutions que rencontre aujourd’hui la Marine nationale. En soi, il témoigne déjà de la nature des liens et des contributions conjointes, positives et enrichissantes, qui peuvent se nouer entre défense et enseignement supérieur lorsqu’il s’agit d’analyser les logiques de transformation des armées. Ce partenariat d’expertise scientifique s’est opéré à l’occasion de la vaste consultation que réalise tous les trois ans en interne la Direction du personnel militaire de la marine (DPMM). Le sens de cette enquête sociologique, intitulée « La Marine en Questions » (MEQ), est de mieux comprendre les marins, leurs représentations autour de l’exercice du métier, la manière dont ils vivent socialement, et avec leur famille, les sujétions qui y sont liées, et de recueillir des données contribuant au pilotage stratégique des ressources humaines. Certaines de ces données étayeront cet article.
Nous verrons dans une première partie, sous l’angle sociologique et sur la base de l’enquête réalisée en 2016 (cf. encadré ci-dessous), qui sont les marins et ce qu’ils nous disent sur l’évolution de leur métier. La seconde partie sera plus précisément consacrée aux conséquences que ces transformations de l’activité et de l’institution impliquent sur l’engagement des marins et, in fine, sur l’attractivité de la Marine.
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