L’incertitude est une réalité de la guerre et des opérations. Or, dans l’esprit français marqué par le cartésianisme, l’incertitude est déstabilisatrice. Pourtant, accepter celle-ci en prenant des risques se révèle souvent une des clés du succès militaire, à condition d’en avoir le courage.
Éloge de l’incertitude
In Praise of Uncertainty
Uncertainty is one of the realities of war and operations and yet in the highly Cartesian French mind uncertainty is a destabilising factor. Having the courage to grasp that very destabilising factor whilst at the same time taking risks can often be the key to military success.
La pensée française est marquée par le cartésianisme. Du Code civil aux jardins à la française, nous avons le goût des choses bien agencées. En mathématique, l’incertitude est une erreur, le défaut d’un résultat qui s’écarte de la valeur vraie. Elle n’a pas d’existence propre, elle est une non-chose.
D’une équation à un système de valeurs, il n’y a qu’un pas. Pour s’en convaincre, nul besoin de chercher très loin. Les synonymes du mot incertitude parlent d’eux-mêmes : précarité, vulnérabilité, inconstance, doute, hésitation, perplexité et scepticisme. Tous ces termes sont fortement marqués par une valeur négative. Disons-le clairement : dans notre esprit français, l’incertitude est une anomalie, une aberration, un désordre. On peut bien s’en accommoder, faire avec, ou plutôt malgré, au nom du principe de réalité, mais fondamentalement on s’en méfie et on ne l’aime pas.
Action terrestre future (ATF) (1), document conceptuel qui pose les bases de la réflexion prospective de l’Armée de terre à l’horizon 2035, hisse l’incertitude (ainsi que la foudroyance) au rang de principe complémentaire du triptyque qui fonde notre doctrine : liberté d’action, économie des moyens et concentration des efforts. Doit-on y voir le signe d’une considération émergente, une inflexion dans notre façon de penser la guerre ou bien le même désamour perdure-t-il sous une nouvelle forme ?
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