Editorial
Éditorial
Le temps des « dividendes de la paix » est révolu. Instabilité, dangerosité, imprévisibilité rythment désormais les affaires du Monde. Le retour des États puissances et du nationalisme, l’affirmation du recours au rapport de force et la volonté de domination sont à l’agenda international. Lors de la rédaction du dernier Livre blanc de 2013, les menaces – certes clairement identifiées – semblaient lointaines, du moins géographiquement. Avec les attentats de 2015 et le terrorisme djihadiste nihiliste qui n’a pas hésité à frapper sur notre sol, il était nécessaire de refaire le point de nos horizons stratégiques à court mais aussi à long terme. C’est l’objectif de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale présentée il y a quelques semaines au président de la République. De ce fait, il appartenait à la Revue Défense Nationale d’y apporter des éclairages avec les contributions des autorités politiques en charge de notre défense. C’est aussi le témoignage de leur attachement au rôle de la RDN dans le débat stratégique depuis 1939.
Et coïncidence du calendrier, en décembre 1967, le général d’armée Charles Ailleret, CEMA à cette époque, publiait un article majeur sur la stratégie de la France affirmant la volonté d’une défense autonome basée sur un modèle d’armée complet s’appuyant sur la dissuasion nucléaire. Les mots d’hier résonnent toujours cinquante ans plus tard et les faits démontrent que la construction de notre défense s’inscrit dans le temps long avec le besoin combiné d’une volonté politique affirmée et des ressources financières, humaines et technologiques suffisantes pour que les discours ne soient pas de vains mots. Il faut rajouter aussi que, déjà en 1967, l’importance de disposer des capacités technologiques et industrielles était soulignée par Charles Ailleret avec, en particulier, la recherche et l’innovation.
Aux analyses proposées ici sur la Revue stratégique se rajoutent d’autres articles montrant bien la complexité du monde, qu’il soit vu sous un angle géographique ou sous sa dimension du cyberespace. Cette complexité nécessite un décryptage permanent pour mieux l’appréhender et être à même de pouvoir réagir, voire anticiper. D’autant plus que de nouveaux espaces deviennent les champs de confrontation dès aujourd’hui, qu’ils soient physiques comme les espaces maritimes, virtuels comme le cyber avec la question désormais posée de l’Intelligence artificielle et ses algorithmes dans les choix décisionnels. La menace d’un Terminator n’est plus éloignée si l’Homme se prend pour Prométhée.
Cette année 2017 aura donc vu de profonds bouleversements tant stratégiques que politiques, y compris en France. D’où l’importance de cette Revue stratégique voulue par le chef de l’État, qui fixe le cadre et définit nos ambitions pour notre défense. D’où l’importance également des choix à venir dans le cadre de la prochaine Loi de programmation. Il est clair que la responsabilité des décideurs politiques et des chefs militaires sera engagée pour que la France, dans un monde instable, puisse se défendre en affirmant sa vocation européenne au service de la paix dans le Monde.