Le Yémen est depuis trois ans confronté au chaos. Le conflit actuel n’épargne personne et s’inscrit dans une rivalité chiites-sunnites alimentée par Riyad et Téhéran. Ce terreau de désolation est favorable au terrorisme islamiste qui peut y trouver refuge et faire du Yémen un sanctuaire pour organiser ses attaques dans le monde.
Le chaos yéménite
Yemeni Chaos
Yemen has been in chaos for three years. The current conflict is sparing nobody and is inextricable wrapped up in the Shiite-Sunni rivalry nourished by Riyadh and Tehran. Such a scene of desolation is nevertheless fertile soil for the Islamic terrorism which finds refuge there and turns Yemen into a sanctuary from which it can organise its attacks in the world.
Trois années après son déclenchement, le conflit qui déchire le Yémen ne cesse de gagner en intensité. Il oppose les forces du président Hadi regroupées dans le Sud du territoire aux rebelles Houthis alliés à l’ex-président Saleh qui contrôlent Sanaa et d’autres parties du pays et a déjà fait près de 10 000 morts et 50 000 blessés, dont une majorité de civils. Déjà largement internationalisé depuis le rôle actif que Riyad entend jouer dans un affrontement chiite-sunnite dans toute la région du Golfe, cette guerre sans images s’inscrit avant tout dans les caractéristiques propres de ce pays situé à la fois sur la partie méridionale du Moyen-Orient et sur les bords de la mer Rouge. Si le front est figé, l’aggravation des tensions laisse toutefois présager, sinon leur extension, du moins d’importantes répercussions sur la Corne de l’Afrique.
Une instabilité chronique sur fond de divisions internes
La géographie du Yémen est d’un grand secours pour comprendre l’un des pays les plus mystérieux du Moyen-Orient. Son nom signifie en arabe « la droite », par référence au soleil levant. Il renvoie aussi au terme al-yiumna qui signifie prospérité et évoque aussi l’« Arabie heureuse » de Pline l’Ancien. De fait, ce territoire pratique une agriculture irriguée et possède aussi un important patrimoine architectural qui fait défaut ailleurs tout en accueillant les routes caravanières en provenance d’Asie ou d’Afrique et à destination de l’espace méditerranéen. Au moment de l’Hégire, il est déjà un foyer de civilisation associé au mythique royaume sémitique de Saba et à la légendaire reine Balkis, mentionnée tant dans la Bible que dans le Coran. Il comporte un relief montagneux culminant à près de 3 800 mètres et séparé des rivages inhospitaliers de la mer Rouge par une étroite bande côtière plane, la Tihâma. Mais alors que les hauts plateaux septentrionaux sont peuplés de tribus sédentaires relevant de la branche zaydite du chiisme née en 740 en Mésopotamie et en Asie centrale qui est dotée ici d’un imamat qui règne dans le Nord du pays jusqu’en 1962, les terres méridionales s’inscrivent davantage dans le schéma bédouin traditionnel. Dans les deux cas, la pratique religieuse est fortement influencée par les particularismes locaux. Cette division géographique devient politique lorsque le port d’Aden devient un protectorat britannique en 1839 tandis que la région de Sanaa passe sous le contrôle de l’empire ottoman. Le Nord devient indépendant en 1934, non sans avoir été amputé par le traité de Taëf des trois provinces de l’Asir, du Najran et du Jizan imposé par le royaume des Saoud fondé deux ans auparavant par Abd al-Aziz. Il rejoint ensuite la République arabe unie avec l’Égypte et la Syrie entre 1958 et 1961. Le Sud du pays devient à son tour une République démocratique populaire en 1967 placée sous influence soviétique. Les deux territoires sont enfin unifiés le 22 mai 1990. Sanaa devient la capitale du pays mais les affrontements internes sont récurrents, avec leurs lots de victimes : 50 millions d’armes individuelles sont en circulation dans un pays où l’identité masculine est souvent associée au guerrier arborant à la fois le poignard traditionnel (la jambiya) et la kalachnikov, l’instrument de toutes les guerres civiles.
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