La date du 19 mars reste polémique et ne permet pas le travail de réconciliation autour de la question algérienne. Celle-ci reste une cicatrice vive en particulier pour les communautés des Pieds-noirs et des Harkis partagés entre des choix impossibles. Les massacres perpétrés aux lendemains du 18 mars 1962 restent indélébiles dans la mémoire nationale.
La polémique du 19 mars
The Controversy of 19 March
The date of 19 March remains so controversial in French history that little is likely to be achieved on reconciliation of the Algerian question. It remains an open wound, particularly for the communities of white French who lived in Algeria (the pieds noirs) and those Algerians who served the French authorities (the Harkis), and leaves nothing but impossible options. The massacres that took place after 18 March 1962 cannot be erased from national memory.
Tous les ans, la journée du 19 mars fait l’objet d’une vive polémique. D’un côté, il y a ceux qui entendent célébrer la date du cessez-le-feu en Algérie, censé mettre fin à une guerre douloureuse de près de huit ans. De l’autre, il y a les associations qui s’opposent fermement à cette commémoration et qui estiment qu’elle constitue le début de règlements de compte sanglants à l’encontre des Pieds-noirs et des Harkis, en violation flagrante des Accords d’Évian signés le 18 mars 1962. Pour éteindre cette controverse lancinante, le président Jacques Chirac avait proposé en 2003, le 5 décembre comme « journée nationale d’hommage aux morts pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie (1952-1962). » Cette date, volontairement neutre, ne correspond à aucun événement politique ou militaire, mais elle est celle de l’inauguration en 2002, quai Branly à Paris, d’un mémorial des combattants morts pour la France en Afrique du Nord (AFN). La même année, une journée d’hommage aux Harkis a été instituée le 25 septembre. En février 2005, un décret associe au souvenir du 5 décembre « les rapatriés d’AFN, les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres et d’exactions. » Et c’est bien là que le bât blesse. Ces séquences de violences abominables à l’encontre de la population européenne et des supplétifs musulmans servant dans l’armée française se sont produites dès le lendemain du 19 mars 1962. C’est la raison pour laquelle, bon nombre d’anciens combattants et la majorité des Pieds-noirs et des Harkis (et leurs descendants) refusent de s’associer à cette journée repère qui a marqué le début d’une période effroyable de tueries et d’un exode pathétique.
Du 19 mars aux cent jours de l’horreur
Le cessez-le-feu supposé entrer en vigueur le 19 mars est très vite violé par la partie algérienne qui ne pourra empêcher les atrocités à l’encontre des Européens et des Harkis. L’acte de l’arrêt officiel des affrontements est également combattu par l’OAS (Organisation de l’armée secrète) et les partisans de l’Algérie française. Une guerre civile entre Français vient alors ébranler le tissu social. Entre le 19 mars 1962 et la déclaration d’indépendance au début du mois de juillet, l’Algérie est noyée dans un bain de barbarie où les attentats, les nuits bleues, les fusillades, les assassinats, les représailles, les haines et les rancœurs transforment cette terre du Maghreb en un bateau ivre qui s’enfonce dans une tempête meurtrière. Ce sont les cent jours de l’horreur. Cent jours de terreur alors que la France et la rébellion algérienne ont signé la paix ! Une paix qui a une odeur de poudre et un goût écœurant de sang. Dans cette aire de feu, l’échiquier social est bouleversé et les règlements de compte sont généralisés : OAS contre gaullistes, Barbouzes (1) contre OAS, FLN (Front de libération nationale) contre MNA (Mouvement national algérien de Messali Hadj), modérés du FLN contre radicaux du FLN, FLN contre Pieds-noirs, FLN contre Harkis, Kabyles de la montagne contre Arabes de la ville, wilayas (2) entre elles, combattants algériens de l’intérieur contre ceux de l’extérieur stationnés au Maroc et en Tunisie, politiques du FLN contre militaires de l’ALN (Armée de libération nationale). Parmi les tragédies les plus terrifiantes, les chroniqueurs ont surtout retenu : la tuerie du 23 mars dans le quartier d’Alger de Bab-el-Oued, le fief de l’OAS que les forces de l’ordre tentaient d’investir, et le drame de la rue d’Isly le 26 mars où des manifestants qui tentaient de rejoindre Bab-el-Oued sont bloqués par des militaires. Dans ces deux événements, le bilan est horrifiant : plusieurs dizaines de morts et plus d’une centaine de blessés.
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