Sea Power: The History and Geopolitics of the World’s Oceans
Sea Power: The History and Geopolitics of the World’s Oceans
L’importance croissante des mers et des océans, en termes stratégique, économique voire écologique, ne se dément pas. Aussi, lorsque James Stavridis, l’ancien SACEUR, écrit un ouvrage sur le sujet, on peut être tenté de l’inscrire dans sa liste des « livres à lire ». Sea Power: The History and Geopolitics of the World’s Oceans, correspond aux canons du genre et le livre répond à l’ambition contenue dans le titre. L’économie générale de l’ouvrage, qui présente successivement les différents espaces maritimes du monde, est relativement efficace même si inégale.
Au fil des chapitres, le lecteur découvrira la géographie et parcourra l’histoire des sept mers et au-delà. Il croisera les grands noms qui ont navigué sur leurs flots, suivra les batailles navales qui ont été livrées, sentira l’écho de quelques grandes plumes anglo-saxonnes. Un chapitre est consacré aux questions transverses (piraterie, pêche illégale et écologie), tandis que le dernier chapitre revisite Mahan.
L’auteur accorde à chaque espace une analyse des grands enjeux géopolitiques contemporains. En quelques mots, le tour du monde de Stavridis débute avec le Pacifique, la « mère de tous les océans ». Il y souligne la course aux armements en Asie et la nécessité de développer une diplomatie maritime afin d’éviter le piège de Thucydide. La mer de Chine méridionale, « chaudron de l’Asie », est le reflet des tensions dans la région. Le chapitre dédié à l’Atlantique, retrace la découverte du nouveau monde et la compétition qui s’ensuivit. Champ de bataille puis pont entre l’Europe et l’Amérique, l’Atlantique est aujourd’hui, une zone de coopération et de paix. L’importance de l’océan Indien, « croisement de la mondialisation » sujet à des tensions régionales et confessionnelles, appelle à renouveler l’attention qui lui est portée. La mer Caraïbe est installée dans le passé tandis que l’Arctique ouvre la voie à des défis inédits. Si l’analyse n’est pas révolutionnaire, il est intéressant de retrouver une vision géopolitique des mers et des océans réunie dans un seul ouvrage.
L’intérêt du livre repose aussi sur l’inflexion de son auteur à l’égard des technologies et sa volonté de continuer à contribuer au débat sur les questions maritimes. Stavridis place dans une perspective historique l’apport de nouvelles technologies (de la caravelle à la vapeur, du canon rayé au sonar, de l’intégration de l’espace au cyber) et illustre leur utilisation tactique sur le champ de bataille. On pourra apprécier la valorisation du multilatéralisme, du soft power et de la coopération avec le secteur privé. En matière stratégique, le dernier chapitre mérite une attention particulière. Il actualise la pensée de Mahan prenant en compte les dimensions sous-marine et interarmées, les nouveaux espaces (extra-atmosphérique et cyber) et la problématique des câbles de communication sous-marins. Il présente aussi avec justesse la perception des océans par les États-Unis : une nation maritime, qui doit défendre la liberté des mers, s’appuyer sur ses alliés et partenaires, et les acteurs privés.
On pourra regretter certaines maladresses, dont celle d’avoir compilé des chroniques à des recherches sans en avoir harmonisé la tenue. Les sauts temporels, les simplifications et le manque de références ne satisferont pas l’universitaire. Certaines absences (la Baltique, l’Atlantique Sud) peuvent aussi être notées. Les références autobiographiques de l’auteur qui parsèment l’ouvrage sont aussi d’un intérêt inégal.
Pour autant, lire Sea Power c’est aussi écouter une voix qui porte à Washington et ailleurs. La longue carrière de l’amiral Stavridis a été couronnée par sa nomination à la tête des forces armées de l’Otan (1) (le premier amiral SACEUR, de 2009 à 2013). Aujourd’hui, Dean of The Fletcher School à la Tufts University et président de l’US Naval Institute, Stavridis est connu pour ses interventions dans les médias, qui sont à l’origine du livre. Communicant hors pair, il a été un temps considéré pour rejoindre le ticket d’Hillary Clinton. Il a également été reçu par Donald Trump peu de temps après l’élection de novembre 2016. Son influence dépasse largement le cercle des anciens de la Navy.
Au final, l’amiral Stavridis propose un ouvrage efficace qui satisfera les curieux des mers et des océans, et de géopolitique. Les vieux loups de mer seront certainement frustrés par les raccourcis mais pourront lire avec intérêt les commentaires d’un fin connaisseur des affaires stratégiques et de la mer.