Le cyber est devenu un enjeu structurel pour les armées. La question est de savoir comment aborder cet espace non physique. Face aux menaces cyber, il est préférable, plutôt que de créer une « 4e armée », d’intégrer les capacités et les compétences cyber au sein des armées afin de gagner en cohérence et efficacité opérationnelles.
Les évolutions du paradigme cyber : de la « 4e armée » à l’intégration cybertactique
Cyber-developments: Create a Fourth Force or Cyber-Tactical Integration?
Dealing with cyber matters has become a structural issue for the armed forces, yet the difficulty remains on how to approach this amorphous space. In the face of cyber threats, better than creating a fourth military force would be to integrate cyber capabilities and competence into the existing armed forces in order to improve operational coherence and effectiveness.
À mesure que les menaces issues de l’informatisation de nos sociétés deviennent plus concrètes en faisant irruption dans notre quotidien et dans les pages internationales de nos journaux, les défis numériques auxquels les armées devront faire face deviennent plus tangibles. Auparavant difficile à prévoir, l’utilisation des nouvelles technologies à l’intérieur de l’espace de bataille s’est grandement précisée au cours des dernières années (1). Nous avons en effet été témoins de conflits menés par des groupes insurrectionnels sous-financés, ayant dû mettre en place de nouvelles formes stratégiques et tactiques pour lutter contre leurs ennemis, en l’absence de corps doctrinal bien établi et de modèle étatique d’armée de masse appuyée sur des équipements lourds (2).
Leur détermination à profiter de tous les bénéfices des nouvelles technologies de communication bon marché pour faire le maximum de dégâts avec le minimum de budget se place dans la droite ligne stratégique de l’Appel à la résistance islamique mondiale publié en 2004 par le stratège d’Al-Qaïda Abu Musab al-Suri (3). En particulier, la guerre en Syrie-Irak a aussi permis d’observer les conséquences opérationnelles d’une généralisation du recours aux moyens numériques, dont un grand nombre de domaines (communication, reconnaissance, renseignement, propagande, recrutement, revendication, etc.).
La question de la numérisation de l’outil militaire est ainsi venue se placer au cœur du débat de politique de défense hexagonal. Une solution en vogue voudrait que, pour répondre à une menace dans un « nouvel espace », nous créions une « 4e armée », dévolue aux tâches de cybersécurité. Ce serait le chemin le plus direct pour assurer notre protection numérique, dans la droite ligne de l’idée de « continuum sécurité-défense ». Cette proposition figurait au programme de deux des principaux candidats à l’élection présidentielle (4). Fondée sur le principe mahanien « à chaque domaine [géographique] de la guerre son armée », elle n’est pas satisfaisante. Il n’est pas possible de comparer strictement le domaine aérien ou marin au « cyberespace ». Les deux premiers sont des milieux géographiques imposant un système technique permettant d’y évoluer, tandis que le « milieu » informatique est un « ensemble technique » (5) entièrement nouveau s’adaptant à tous les espaces géographiques. C’est d’ailleurs un autre modèle, « l’intégration cybertactique » (6), vers lequel la France semble s’orienter. Nous examinerons la nature du défi auquel sont confrontées les forces françaises, puis la teneur des solutions déjà fournies et celles prodiguées dans la Revue stratégique, pour tenter de comprendre quels sont les réels enjeux de ce débat.
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