Le Droit et la guerre sont désormais étroitement mêlés. La judiciarisation croissante des engagements militaires des démocraties occidentales oblige à une réflexion approfondie sur le lawfare et de son implication sur la conduite des opérations. Ce champ d’études nécessite un débat tant juridique que politique.
Droit de la guerre ou guerre du droit ? Réflexion française sur le lawfare
Law of War or War on Law? French Thoughts on Lawfare
Law and warfare are now closely intermingled: the increasingly litigious nature of Western democracies’ military commitments makes necessary a thorough review of lawfare and its implications for the conduct of operations. The debate here is as much legal as political.
Les recherches entreprises aujourd’hui sous l’égide du lawfare sont consacrées à l’étude des conséquences stratégiques de la judiciarisation croissante des interventions armées des démocraties occidentales (1). Inventé par le général de l’armée de l’air américaine Charles Dunlap en 2001, ce terme de langue anglaise est forgé à partir de la contraction des mots « law », droit et « warfare », art de faire la guerre. Commentant les réactions inquiètes du commandement américain lors de l’intervention de l’Otan dans la guerre des Balkans de 1999, ce dernier parle « d’utilisation du droit comme une arme de guerre » et de la « stratégie d’utiliser – ou de mal utiliser – le droit comme un substitut à des moyens militaires traditionnels pour réaliser un objectif opérationnel. » (2) Il fait écho à des critiques s’interrogeant sur la possibilité que « le droit rend(e) la guerre injuste » puisqu’il ferait peser sur les armées occidentales des contraintes juridiques désavantageuses par rapport à un ennemi qui n’aurait cure du droit international (3).
Plus de dix ans après ce premier constat, la multiplication de publications dans des maisons d’édition renommées et des journaux à comité de lecture ainsi que la prolifération de blogs réunissant d’éminents spécialistes dédiés à cette question témoignent du dynamisme de ce champ de recherche (4). Cette contribution se propose de nourrir le débat français sur le lawfare en dressant un premier état des lieux. Les analyses développées peuvent être d’autant plus pertinentes dans le contexte hexagonal que l’actualité française ravive cette question : le jugement de quatre militaires français en 2005 pour le meurtre du coupeur de route ivoirien Firmin Mahé (5) ; le procès pour viol de quatorze militaires français participant à l’opération Sangaris en Centrafrique en 2017 (6) ou encore les récentes accusations de génocide lancés par l’article de la Revue XXI en juin 2017 (7) sont autant de débats auxquels la grille de lecture du lawfare peut apporter une profondeur d’analyse.
Des définitions contradictoires
Une première difficulté sémantique complique la discussion sur le lawfare. L’abondance de la littérature s’accompagne d’une confusion dans le cadre conceptuel visant à saisir ce phénomène. Il désigne simultanément :
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