La notion d’ennemi est complexe à expliciter dans le contexte actuel. Il impose une réflexion certes sur les menaces et ceux qui les profèrent, mais aussi sur notre propre représentation. À défaut de cette réflexion, le risque est de sous-évaluer nos adversaires potentiels et donc de subir l’échec.
Dialectique ami-ennemi : mieux nous définir pour mieux définir l’ennemi
Defining Friend and Enemy: Seeing Ourselves as Others See Us
Defining an enemy has become rather complex in the current security environment. It imposes careful consideration not only of threats and on those who utter them, but also of how others see us. Without such consideration we risk under-estimating our potential adversaries and therefore tempting defeat.
Gnothi seauton (Connais-toi toi-même)
Inscription sur le fronton du temple de Delphes
La définition de l’ennemi est au cœur des réflexions stratégiques (1). Elle l’est d’autant plus aujourd’hui que le contexte géopolitique et stratégique complexifie ce travail d’authentification. Il est vrai que la difficulté de définir l’ennemi est liée en partie au bouleversement du système international de l’après-guerre froide, période où l’ennemi était encore clairement identifié : le bloc de l’Est dont les forces étaient organisées par le Pacte de Varsovie. S’il était autrefois plus aisé de désigner l’ennemi comme l’État qui nous était hostile et pouvait même être – facilité extrême – un « ennemi héréditaire », il est aujourd’hui plus complexe de l’appréhender. Les causes sont multiples et bien connues de la littérature scientifique. L’ennemi n’est plus seulement étatique, mais également subétatique, il n’est plus seulement homogène, mais « hybride » (2), il n’est plus clairement perceptible, mais opaque et multiple, il n’a pas seulement recours à des moyens conventionnels, mais s’exprime à travers de « nouvelles formes de conflictualité » comme les cyberattaques (3). D’autres causes peuvent bien sûr être avancées. À ce titre, l’une d’entre elles semble pertinente : la difficulté de définir l’ennemi ne résulterait-elle pas aussi de la difficulté de nous identifier nous-mêmes ?
La relation ami-ennemi est une dialectique. Ainsi, si nous déterminons l’ennemi a contrario de ce que nous sommes, alors une meilleure connaissance de nous-mêmes nous permettrait peut-être de mieux connaître l’ennemi. Or, de la même manière qu’il était plus aisé de définir l’ennemi autrefois qu’aujourd’hui, notre « identité » semblait plus claire hier qu’elle ne l’est maintenant. À la fois français et européens, citoyens d’une République « une et indivisible » et membres d’une société ouverte, multiculturelle et multiconfessionnelle, il nous paraît nécessaire de clairement définir ce que nous sommes pour mieux cerner qui est l’ennemi.
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