Homo deus - Une brève histoire de l’avenir
Homo deus - Une brève histoire de l’avenir
Nietzsche met en scène un prophète de malheur, courant dans la rue sous les yeux ébahis des villageois et criant : « Dieu est mort, nous sommes tous des assassins ! ». Les héritiers de l’annonceur nietzschéen prolifèrent. Il n’est pas de philosophe moderne qui ne pose en postulat ladite condamnation. Pas un, non plus, qui, ce faisant, ne ressuscite le condamné. Dieu est mort, bon ! Et après ? Le titre de ce livre, déjà utilisé par notre Luc Ferry (1), nous revient d’Angleterre où il fait suite au best-seller international, Sapiens - Une brève histoire de l’humanité (pour la France, Albin Michel, 2015).
Harari, jeune surdoué israélien, a publié son nouveau livre en hébreu en 2015, en anglais en 2016. Le voici traduit en français. Si vous êtes, comme Nietzsche, sans peur, lisez-le. Fragiles s’abstenir !
L’introduction, sinistre à souhait, pose LA question, qui ne s’était jamais posée dans notre longue histoire : « Qu’allons-nous faire de nous ? ». Quelques chiffres en cernent la pertinence. En 2010, 1 million de morts par famine, 3 millions par obésité. En 2012, 120 000 morts par guerre, mais 500 000 par crimes, 800 000 par suicide, 1,5 million par diabète. La vie, en dépit ou à cause de ce constat, est devenue la valeur suprême : la mort est un crime contre l’humanité. Le plan de l’ouvrage est limpide, qui retrace notre histoire et anticipe sa fin : Sapiens conquiert le monde, il lui donne sens, il en perd le contrôle.
La conquête résulte de la singularité humaine, croyance biblique en son âme éternelle. Mais voici que « Darwin nous a privés de notre âme » ! Reste la conscience de soi, laquelle pourrait bien être la manifestation de l’âme que l’on croyait perdue.
Las ! L’alliance moderne entre science et humanisme ne va pas de soi et les hommes en sont venus à « abandonner le sens en échange du pouvoir (…) La toute puissance est là, presque à notre portée, mais sous nos pas s’ouvre l’abysse géant du néant complet ». L’homme inutile contemple le vide. « 99 % des qualités et capacités des hommes sont purement et simplement redondantes pour l’exercice des métiers modernes ». D’où l’hypothèse pessimiste, mortelle, d’une humanité constituée de deux classes : des êtres augmentés, élite infime, et une masse d’êtres inutiles. Voici venir la religion des datas : ce ne sont plus les hommes qui sont libres, seule l’est l’information.
L’algorithme est roi : il peut, au départ, avoir été « élaboré par des êtres humains, mais en se développant il suit sa propre voie et va où aucun homme ne peut le suivre ». L’auteur, comme effrayé de ses propres conclusions, les met en débat : les organismes ne sont-ils que des algorithmes ? De l’intelligence et de la conscience, quel est le plus précieux ? N’est-ce pas la fin de notre monde à laquelle nous conduisent « des algorithmes inconscients plus intelligents que nous ? ». ♦
(1) L’homme dieu ou le sens de la vie ; Grasset, 1996.