La stratégie de défense de la France a plus souvent privilégié le château fort, c’est-à-dire l’approche continentale, au détriment de l’empire de la mer qui exige une autre vision plus orientée vers la maîtrise des espaces maritimes. Or, les évolutions géopolitiques actuelles renforcent le besoin de contrôle des flux, en particulier sur les océans, et donc la nécessité d’un effort naval accru.
Le château fort et l’empire de la mer
The Fortress and the Empire of the Sea
French defence strategy has most often favoured a policy of the fortress, a continental approach, to the detriment of the empire of the sea. The latter demands a different vision, more orientated towards control of maritime space. Current geopolitical developments are increasing the need for control of traffic flows—in particular across the oceans—and hence the need for greater naval effort.
Que font-ils ? À qui donc gardent-ils leur colère ?
Allons ! Acharne-toi sur ce cap séculaire,
Ô mer ! Trêve un moment aux pauvres matelots !
Ronge, ronge ce roc ! Qu’il chancelle, qu’il penche,
Et tombe enfin, avec sa forteresse blanche,
La tête la première, enfoncé dans les flots !
Victor Hugo, « Le château-fort », 26 novembre 1828, Les Orientales (1829).
La Revue stratégique sur la défense et la sécurité nationale ne dépeint pas le tableau de nos « fortifications ». Pas plus que les Livres blancs (1994, 2008 et 2013). Seul un exposé des forces et faiblesses de la défense du territoire national permettra d’aborder l’articulation des efforts militaires. Il y a le château fort français délimité de ses douves, à l’eau salée qu’il nous faut pouvoir, nous aussi, utiliser à notre guise. Il s’agit donc d’essayer d’analyser la place des forces navales dans la protection de la citadelle.
Militairement parlant, qu’est-ce que la France ? « Un château fort, âpre massif de vieilles montagnes flanquées de plateaux, languedocien, limousin, bourguignon ; tout autour, de vastes glacis, la plupart mal accessibles à qui les menace du dehors, entaillés de fossés : Saône, Rhône et Garonne, barrés de murs (Jura, Alpes, Pyrénées) ou bien plongeant au loin dans la Manche, l’Atlantique, la Méditerranée ; mais, au Nord-Est, une brèche terrible, joignant aux terres germaniques les bassins essentiels de la Seine et de la Loire. Le Rhin, que la nature désigne aux Gaulois comme limite et comme protection, à peine a-t-il touché la France qu’il s’éloigne en la découvrant. […] Un seul revers aux sources de l’Oise, voilà le Louvre à portée du canon. » (1) Le général de Gaulle peignait les faiblesses d’une frontière peu satisfaisante qui nous laissait sans profondeur stratégique aucune.
Il reste 88 % de l'article à lire