La Corée du Nord de Kim Jong-Un apparaîtrait comme la principale menace pour la paix mondiale. Il faut admettre que les essais nucléaires dont le sixième le 3 septembre 2017, démontre la maîtrise désormais quasi certaine de la bombe, les tests réguliers de missiles balistiques et la propagande agressive du régime peuvent susciter une inquiétude légitime. Les savantes mises en scène organisées autour de Kim Jong-Un contribuent à opacifier un pays déjà très mal connu et générant ainsi de nombreux fantasmes.

Il faut donc saluer ici le travail proposé par deux experts de l’Asie, Juliette Morillot et Dorian Malovic qui permettent au lecteur de décrypter une énigme majeure notamment pour les Occidentaux qui en savent peu sur ce pays mystérieux. Le mérite de cet ouvrage est donc de donner un aperçu sur un pays en pleine mutation, malgré la rhétorique officielle très ampoulée. En 100 questions réparties en 7 chapitres, une Corée du Nord, certes complexe et ambiguë, émerge vers une forme de normalisation nécessaire et irréversible avec une quasi-certitude, la réunification des deux Corée semble aujourd’hui une utopie à court et moyen termes tant les mentalités ont divergé en l’espace de six décennies.

Son actuel chef, troisième dirigeant de la Dynastie n’est pas aussi irrationnel qu’il n’en paraît et il a engagé son pays certes sur des programmes militaires très déstabilisants mais aussi sur une modernisation économique, indéniable succédant à la faillite du système socialiste aggravée par la famine des années 1990 ayant fait plus d’un million de morts. Des signes très clairs indiquent une amélioration réelle du niveau de vie et la volonté de répondre à une envie de consommation, obligeant l’État à faire des concessions par rapport à la doxa communiste et à fermer les yeux sur une certaine privatisation de l’économie. À cet égard, les auteurs insistent sur le rôle des femmes dans ce processus de libéralisation des échanges. Contrairement à une certaine désinformation imposée par les Américains et les Sud-Coréens, le patriotisme nord-coréen n’est pas que de façade. Il reflète entre autres la nature toujours confucéenne de la société, un véritable attachement au pays et à ses dirigeants dans la mesure où ils garantissent la pérennité d’une nation qui a rarement été maîtresse de son destin par le passé. Certes, il ne faut pas occulter le caractère totalitaire, policier et répressif mais il correspond également à la réalité d’une hiérarchie sociale coréenne très affirmée et donc au respect naturel de celle-ci par la population.

L’accès au pays reste effectivement difficile et limité, accentuant la méfiance à son égard. À l’inverse, il commence à y avoir une élite nord-coréenne – à l’image de Kim Jong-Un – ainsi qu’une classe moyenne, pour quelques-uns formés en Occident et mieux au fait des réalités du monde, plus consciente des enjeux politiques et économiques. Cela se traduit par une certaine aptitude à jouer des contradictions entre Pékin, Washington et Séoul. Le pays est effectivement un nain – 22 millions d’habitants – dans son environnement régional et sa survie dépend de son aptitude à ne pas se faire absorber par ses voisins d’où la politique nucléaire qui doit être vue comme dissuasive plutôt qu’offensive.

À la lecture des 100 réponses aux 100 questions proposées, le brouillard nord-coréen n’est pas totalement dissipé mais une meilleure compréhension s’impose quant aux mutations que connaît le pays. C’est assurément la nécessité de ne pas tomber dans les provocations de Pyongyang mais aussi le besoin d’avoir une meilleure connaissance d’un États où la France n’a pas d’ambassade. À l’heure où le désordre international s’accélère – et la Corée du Nord n’y est pas pour rien – il est urgent de regarder cette région avec intérêt et d’éviter les approches manichéennes. Ce livre – de lecture agréable – est donc particulièrement bienvenu et apporte un éclairage pertinent et passionnant sur cette puissance nucléaire dérangeante et qui inquiète avec sa propagande provocatrice. ♦