Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) adopté en juillet 2017 voudrait déboucher sur un désarmement nucléaire, poussé par des ONG dont ICAN (Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires). Le TIAN répond davantage à une pression normative qu’à la réalité stratégique et ne devrait pas modifier fondamentalement la donne, même si la réflexion sur la maîtrise des armements reste légitime.
Que faire du traité sur l’interdiction des armes nucléaires ?
Whither the Nuclear Weapon Ban Treaty?
The goal of the July 2017 Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons as promoted by certain NGOs, including the International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN), was nuclear disarmament. Despite that, the Treaty is more a response to pressure groups than to strategic reality and is unlikely to lead to any real change in the situation even though arms control remains a legitimate concern.
Un traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) a été adopté par 122 États le 7 juillet 2017 au siège des Nations unies à New York, après seulement trois semaines de négociations et sans les États principalement visés. En effet, aucun des États reconnus comme dotés d’armes nucléaires par le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie), ni aucun des autres États ayant acquis des capacités nucléaires militaires (Corée du Nord, Inde, Israël, Pakistan) (1), n’ont participé à ces négociations. Ce qui leur est d’ailleurs reproché par certains tenants de l’abolition nucléaire. La conférence de négociation de ce traité leur était en théorie ouverte. Comme l’explique toutefois Béatrice Fihn, directrice de l’ONG International Campaign to Abolish Nuclear weapons (ICAN) (2) : l’objectif était d’interdire les armes nucléaires « sans l’accord des États ayant l’arme nucléaire ». Le résultat est un nouveau traité bancal et lacunaire, pourtant jugé « historique » par ses promoteurs.
Comment expliquer l’apparition d’un instrument juridique visant un objectif tellement éloigné de la réalité ? Surtout, quel peut être l’apport de ce nouveau traité à la sécurité internationale ? Cet article propose des premières réponses à ces questions, en s’appuyant principalement sur une étude du texte du traité, sur les publications d’ICAN, les articles de chercheurs ayant une expérience des enceintes multilatérales traitant de questions de désarmement nucléaire, et les analyses juridiques du traité. Dans la continuité d’une note de l’Irsem (3), cet article s’inscrit dans le cadre d’un travail de recherche de long terme sur la « fabrique » du TIAN.
Généalogie et raison d’être du TIAN
Préoccupations de sécurité et enjeu politique : du TNP au TIAN
Retracer l’histoire du TIAN de manière objective requiert une approche scientifique à construire. En première lecture, l’observation du traitement de la question du désarmement nucléaire dans les enceintes multilatérales permet de raccrocher le TIAN aux demandes d’un certain nombre d’États non dotés de l’arme nucléaire (ENDAN) adressées aux cinq États dotés de l’arme nucléaire (EDAN), en particulier dans le cadre du processus d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En effet, l’histoire de la régulation internationale des armes nucléaires à travers le TNP ainsi que la construction du texte de ce traité ont constitué le fondement d’une revendication persistante sur le thème du désarmement nucléaire. Tout particulièrement, la rédaction de l’article VI du TNP donne lieu à des interprétations différentes quant à la portée (moyen ou résultat) et quant à la nature de l’obligation (désarmement nucléaire uniquement ou dans le cadre du désarmement général). L’idée qu’il existerait une obligation de résultat conduit ainsi un bon nombre d’ENDAN à dénoncer le « non-respect » (non-compliance) des dispositions du TNP par les EDAN et l’absence de « progrès » en matière de désarmement nucléaire. Les mesures prises par certains des EDAN sont parfois prises en compte mais ne contentent pas ceux des ENDAN qui demandent en définitive l’abolition des armes nucléaires. Cet objectif affiché revêt aussi une dimension politique. La différence établie par le TNP entre EDAN et ENDAN a été acceptée par ces derniers lors de leur adhésion mais dénoncée depuis, et qualifiée de discrimination. Certains ENDAN entendraient ainsi, à travers la question nucléaire, remettre en cause les rapports de force et même de pouvoir, alors que, de fait, les cinq États qui possèdent un droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies sont des EDAN.
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