Derrière le mot « innovation » se cachent des enjeux multiples. L’innovation ne peut se limiter au champ des technologies et doit être un processus permanent élargi où la culture du débat est essentielle. Sinon, l’innovation imposée par le haut serait vouée à l’inefficacité. Innover ne se décrète pas mais se construit avec tous.
Innover dans les armées : les enjeux du changement militaire
Innovation in the Forces: the Challenges of Military Change
Hidden behind the word innovation lie many challenges, for innovation is not limited to technological fields: it needs to be a permanent and broad process in which the culture of debate is essential. Were this not to happen, innovation imposed from on high would be doomed to be ineffective. Innovation should not be decreed but be built with the implication of the people.
L’innovation est à la mode au ministère des Armées. La ministre Florence Parly expliquait ainsi le 5 septembre 2017, en clôture des universités d’été de la défense, qu’il est « vital que l’innovation inspire l’ensemble de la communauté de défense, pour garantir la supériorité technologique de nos forces sur le terrain face à des adversaires, actuels et potentiels, de plus en plus habiles et inventifs dans l’utilisation des nouvelles technologies ». Cette ambition se traduit de différentes manières, comme par exemple une place importante accordée au terme « innovation » dans le projet de Loi de programmation militaire ou le développement de dispositifs financiers tels que Definvest, un fonds d’investissement alimenté par la DGA et Bpifrance destiné à soutenir les PMEs du secteur de la défense. L’intention est assurément louable, mais l’innovation est un processus compliqué, difficilement réductible à des injonctions ou des incitations. Fort heureusement, la littérature académique en études stratégiques a étudié en détail les processus de transformation dans les forces armées. L’objectif de cet article est ainsi de faire une (trop) brève synthèse des principales conclusions de ces travaux, afin d’alimenter les réflexions en cours.
De quoi parle-t-on ?
La littérature sur le changement militaire s’attache aux mécanismes conduisant à une amélioration de la performance au combat des forces armées et en identifie en général trois (1). L’innovation est habituellement conceptualisée comme le « développement de nouvelles technologies, tactiques, stratégies et structures militaires » (2). Toutefois, il ne s’agit pas du seul mécanisme conduisant au changement militaire. En effet, l’adaptation, c’est-à-dire « les modifications dans la stratégie, la génération de forces et/ou dans la planification et la conduite des opérations en réponse aux défis opérationnels et aux pressions de la campagne » (3) est également un mécanisme important. On considère généralement que l’innovation est un mécanisme de temps de paix, marqué par l’anticipation et la création de nouvelles capacités, tandis que l’adaptation est un phénomène lié à l’expérience du combat. Enfin, un troisième phénomène, l’émulation, désigne l’impact de l’observation des expériences étrangères sur la réflexion nationale et l’importation plus ou moins sélectives de pratiques militaires observées ailleurs (4).
Plusieurs remarques peuvent être ainsi formulées. Tout d’abord, le changement militaire ne se résume jamais à la seule définition et mise en œuvre de nouveaux matériels et plateformes de combat. Au contraire, pour qu’un changement militaire réussisse, il doit articuler quatre dimensions : une nouvelle technologie employable au combat, une doctrine d’emploi appropriée, une réorganisation des structures et une formation adaptée (5). Faire porter l’effort sur une seule dimension (généralement la recherche d’une percée technologique) en négligeant les autres conduit à des échecs dans le processus de changement militaire (6). L’innovation doit donc être comprise de manière holistique en y incluant la réflexion doctrinale, l’organisation des armées et l’enseignement au sein de l’institution militaire.
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